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Photo du rédacteurChristiane Chaulet Achour

Voyage en colonisation française II : L’installation d’une colonie de peuplement vue par Albert Camus


Détail de la couverture de l'édition Folio du "Premier homme" d'Albert Camus (c) Gallimard

Mathieu Belezi, dont nous avons présenté la tétralogie dans notre précédent article, revendique d’avoir puisé aux mêmes sources documentaires que Camus dans Le Premier Homme, en particulier dans les ouvrages de Maxime Rasteil, Le Calvaire des colons de 1848 (1930, réédité en 2000) et l’ouvrage de Louis de Baudricour, histoire de la colonisation de l'algérie.




 

 

Mais ce qu’il en fait est-il semblable ? On sait que Le Premier Homme est le livre inachevé d’une fiction autobiographique d’un écrivain célèbre ; d’un écrivain symbole que l’on a sommé de prendre une position claire dans le conflit algérien, violent et déchirant, mettant aux prises, les hommes d’une même terre, conséquence d’une colonie de peuplement. C’est un livre de mémoire, luttant contre l’oubli. Face à la guerre d’indépendance dont l’issue semble inéluctable, Camus apporte sa « réponse » : reconstruire l'Histoire de sa communauté au moment où se joue son éviction du pays. La ligne majeure du texte s’articule autour d’un triptyque : anonymat, obscurité, oubli et le narrateur s’exprime en sa qualité d' « Algérien ».

 

Jacques Cormery, comme ses ancêtres, naît dans l’anonymat, en une naissance furtive d'un enfant d'émigrants, c’est le début du livre qui donne le ton : « au fond de la même nuit où il était né au cours de ce déménagement, émigrant, enfant d'émigrants ». S’ajoute à cet anonymat la qualité d’orphelin : Jacques est un des orphelins d'Algérie dont on a utilisé les pères dans les guerres d'Europe : les fils de pauvres ont un destin commun de sacrifice. Si les pauvres n’ont pas de mémoire, celui d’entre eux qui s’est nourri à d’autres sources, a le devoir d’écrire leur histoire : « Arracher cette famille pauvre au destin des pauvres qui est de disparaître de l'histoire dans laisser de traces. Les Muets./ Ils étaient et ils sont plus grands que moi. » Cette Histoire que l’écrivain revendique est celle du « Blanc sans terres ». Non possédant, il ne peut être un spoliateur ! Le processus de réécriture de l’Histoire est en marche. Aussi proche que l'on soit de l'histoire attestée, on recompose dès l'instant qu'on écrit. Et dans les éléments socio-historiques, on opère des choix qui révèlent les forces qu'on veut introduire dans un champ symbolique.

 

Aussi, tout en inscrivant en texte personnages et faits réels, le narrateur introduit, tout d'abord, le portrait du colon d'aujourd'hui, fils lui-même du colon pionnier. Ces deux portraits sont  accompagnés d'une anecdote significative et poignante, celle de la destruction des vignes et du « dialogue » entre le vieux colon et ses ouvriers arabes. Le regard parcourt alors le paysage, transformé par le travail du colon : « La plaine de la Seybouse, autrefois marécageuse, étendait jusqu'à la mer au nord, sous le ciel blanc de chaleur, ses champs de vigne tirés au cordeau, avec ses feuilles bleuies par le sulfatage et ses grappes déjà noires, coupés de loin en loin par des lignes de cyprès ou de bouquets d'eucalyptus à l'ombre desquels s'abritaient des maisons. » Du marécage, la terre est devenue richesse par le travail des colons.

Faisant le  bilan de cette visite au lieu de naissance et du peu d'informations précises qu'il en a rapportées, Jacques Cormery introduit la référence aux ouvriers de 1848, déportés en Algérie, à ces révolutionnaires qui se sont lancés dans l'aventure coloniale pour changer la vie et il associe son père à cette migration. Les annexes témoignent d'ailleurs d'une hésitation dont on ne peut savoir dans quel sens Camus l'aurait résolue s'il avait terminé le livre :

 

« En 72, quand la souche paternelle s'installe, elle succède à

- la Commune

- l'insurrection arabe de 71 (le premier tué dans la Mitidja fut un instituteur). Les Alsaciens occupent les terres des insurgés. » (sic = l’insurrection arabe est en fait une insurrection kabyle) ».

 

Camus ne se choisit pas n'importe quelle origine ! Il adopte une narration assez proche de l'image des premiers colons, celle que l'on trouve dans l'ouvrage de Maxime Rasteil Le Calvaire des colons de 1848 qu’il cite, mais aussi l'ouvrage de L.de Baudricour (et non de bandicorn, histoire de la colonisation de l'algérie, comme il le note) : « ouvriers de 48 entassés dans une frégate à roues » qui atterrissaient « en chancelant, après cinq semaines d'errance, sur cette terre. » Ces émigrants sont caractérisés par leur souffrance et leur misère ; également par la duperie dont ils ont été l'objet ; ici, nous retrouvons un des aspects du point de vue privilégié par Mathieu Belezi.

 

Le père est assimilé à ces premiers migrants, plus « victimes » que… « bourreaux »… avec un plus dû à l’œuvre coloniale d’un siècle : la route construite. Pour les émigrants de 48, il n'y avait pas de route dans la « plaine marécageuse » et le « maquis épineux » ; différence aussi dans l'attitude des Arabes qui d'hostiles en 1848 semblent plus neutres aujourd'hui.

 

Ces émigrants sont arrivés dans un pays du néant, « sans une habitation, sans un lopin de terre cultivé », dans « un espace nu et désert », « entre le ciel désert et la terre dangereuse. » Tout se liguait contre eux : l'aridité, l'hostilité, les fièvres et la brutalité du climat. Le pionnier a donc occupé une terre vierge sans habitants. Le discours rapporté du colon Vieillard et du vieux docteur ne peut que susciter compassion et complicité. La violence est partout – lions, voleurs de bétail, bandes arabes et autres colons – : ni revendiquée, ni condamnée, elle est survie. Les relations intercommunautaires sont abordées, assez rapidement, dans cette Histoire de l'origine car l'attention du narrateur se porte essentiellement sur sa communauté. A un moment historique où elle est l'objet d'attaques multiples, il veut susciter la sympathie pour ces pauvres, victimes depuis le début, qui se sont attachés à cette terre et l'ont transformée, « fuyant la misère ou la persécution, à la rencontre de la douleur et de la pierre. » Ces émigrants ont gagné leur droit du sol par  « l'anonymat, au niveau du sang, du courage, du travail, de l'instinct, à la fois cruel et compatissant. » Mais comme les autres conquérants qui les ont précédés, ils seront évincés s’ils n’optent pas pour une autre solution que le conflit. La reconstruction de l'origine permet donc de nier le statut de possédant donc de prédateur. La solution est de féconder la « nudité » qui concerne la culture et la mémoire et non l’appartenance charnelle à la terre qui est une force obscure témoignant de l’accord de Jacques avec le pays et les non-possédants qui l'habitent.

 

Le parcours identitaire semble accompli : Jacques a été fait de toutes « ces racines obscures et emmêlées », de cette terre du contraste, de l'excès de violence et de bonheur, de cette peur latente, de son origine muette lui qui est « né sur une terre sans aïeux et sans mémoire. » Il faut franchir la dernière étape que, de façon symbolique, L’Étranger n’avait pas franchie : relier entre eux les pauvres du pays. Mais la pauvreté n’efface pas l’origine ethnique : les Arabes restent les Arabes, les Français d’Algérie non possédants, les Algériens. Le narrateur camusien n'a aucune hésitation sur les nominations : les Arabes, ce sont les autres, les Algériens, ce sont les siens et lui-même ! Cette appellation d'Algérien revient, sans ambiguïté, dans le roman, par deux fois. Donnons-en un exemple : « C'est que la religion faisait partie pour eux, comme pour la majorité des Algériens, de la vie sociale et d'elle seulement. On était catholique comme on est français, cela oblige à un certain nombre de rites ». On se souvient ici de la langue de Séraphine dans Attaquer la terre et le soleil, émaillée d’expressions religieuses chrétiennes.

 

Quant aux Arabes, il est aisé de relever tous les énoncés qui les mettent en scène. En les reprenant, on constate un retour à cette cohabitation conflictuelle et complice, ambiguïté qui est au cœur de la compréhension d'une colonie de peuplement, lorsque Jacques fait le voyage dans l'Est pour retrouver les traces de son origine. Le colon qui veut, lui, rester sur ces terres jusqu'au bout, conclut que les seuls à comprendre son attitude – donc à admettre son appartenance à cette terre – sont justement les Arabes : « On est fait pour s'entendre. Aussi bêtes et brutes que nous, mais le même sang d'homme. On va encore un peu se tuer, se couper les couilles et se torturer un brin. Et puis on recommencera à vivre entre hommes. C'est le pays qui veut ça. Une anisette ? »

 

Pour que le point de jonction de cette cohabitation devienne conjugaison, il faut réunir les deux « races » de pauvres du pays. Peut s'affirmer alors, dans des envolées lyriques, une revendication d'équivalence dont les sacrifiés de la Grande guerre donnent une illustration et une justification : « Mais pour le moment il n'y avait pas de tanière, seulement les troupes d'Afrique qui fondaient sous le feu comme des poupées de cire multicolores, et chaque jour des centaines d'orphelins naissaient dans tous les coins d'Algérie, arabes et français, fils et filles sans père qui devraient ensuite apprendre à vivre sans leçon et sans héritage. » Il est intéressant de lire dans Le Feu d’Henri Barbusse en 1916, un autre regard sur les troupes coloniales. Toutefois, lorsque le narrateur sort du lyrisme et revient à une observation plus réaliste, il n’idéalise pas la cohabitation : « Ce peuple attirant et inquiétant, proche et séparé, qu'on côtoyait au long des journées, et parfois l'amitié naissait ou la camaraderie, et, le soir venu, ils se retiraient pourtant dans leurs maisons inconnues, où l'on ne pénétrait jamais ». De part et d'autre, les gestes sont pleins de signification : chacun se retire derrière ses verrous. Entre la mer et l'intérieur des terres, « entre les deux le danger permanent dont personne ne parlait parce qu'il paraissait naturel ».

                                                                                                                                             

Si tout est une histoire de violence ancestrale entre les hommes et d'élimination de l'un par l'autre, l'historicité de la question coloniale n'est plus vraiment de mise pour le narrateur qui semble avoir suggéré, à deux reprises, un glissement vers le mythe en mettant en scène Caïn et Abel. La première mention est celle qu'en fait le vieux docteur, relativisant la violence du colonisé : « Soyons justes, on les avait enfermés dans des grottes avec toute la smalah, mais oui, mais oui, et ils avaient coupé les couilles des premiers Berbères, qui eux-mêmes... et alors on remonte au premier criminel, vous savez, il s'appelait Caïn, et depuis c'est la guerre, les hommes sont affreux sous le soleil féroce. »

La seconde mention est plus intéressante car elle fait partie du projet de construction du roman dans les annexes : « Chapitre à reculons. Otages village kabyle. Soldat émasculé -ratissage, etc., de proche en proche jusqu'au premier coup de feu de la colonisation. Mais pourquoi s'arrêter là ? Caïn a tué Abel. Problème technique : un seul chapitre ou en contre-chant ? »

 

En écrivant cette histoire, Camus ne cherche pas à escamoter la violence qui en est le principe dynamique mais à la relativiser par son partage entre les deux camps, par son universalité spatiale et temporelle et par son engrenage qui fait que l'un est parfois Abel et l'autre parfois Caïn. L'interchangeabilité des rôles lui permet de dépasser l'Histoire, c'est-à-dire le contingent, pour constater la permanence, depuis le premier criminel, du meurtre fratricide. « Problème technique »... Seulement ?  En Algérie, ce ne sont pas deux ennemis qui s'affrontent mais deux frères ennemis. On comprend mieux alors ce que Camus avait prévu comme "FIN" à son texte :

 

« Rendez la terre. Donnez toute la terre aux pauvres, à ceux qui n'ont rien et qui sont si pauvres qu'ils n'ont même jamais désiré avoir et posséder, et à ceux qui sont comme elle dans ce pays, l'immense troupe des misérables, la plupart arabes, et quelques-uns français et qui vivent ou survivent ici par obstination et endurance, dans le seul honneur qui vaille au monde, celui des pauvres (...) Alors le grand anonymat deviendra fécond (...) ».

 

Belle légende où les pôles  de la foi et de la révolte peuvent prendre mille et une actualisations dans des personnages ou des forces historiques. Belle légende, oui… mais en même temps, on ne peut pas ne pas remarquer qu'elle permet d’occulter ou de refuser l'analyse historique colonisation/décolonisation que la lutte de libération en train de s'accomplir imposait dans le réel ; ce refus, Camus l'exprimait clairement dans ses écrits journalistiques. Dans sa fiction, il ne refuse pas d'affronter l'histoire de son pays mais en l’interprétant avec les armes du symbolique.

 

De Gaïa, suggérée mais non nommée dans Noces qui permettait l’affirmation de l’autochtonie, le texte camusien est passé progressivement, par rapport à cet affleurement mythique nourrissant les manques de l’origine, à une autre conscience au monde que le réel a imposé. Pour comprendre le rôle d’acteur et d’accusé que tient le soleil dans le récit, pour comprendre le recours au mythe, il faut envisager les fictions de Noces au Premier Homme sous l'éclairage de la double autochtonie [Algérianité du côté du Français d’Algérie vs Arabité du côté de « l’Arabe  »]. En cela le texte camusien n’est pas un texte exotique qui a une relation d’extériorité par rapport à l’autochtone : il met en place, à travers la double autochtonie, le conflit d'appartenance de la terre et de la coexistence des communautés. La dernière fiction semble suggérer, à deux reprises, un glissement vers un autre mythe, en mettant en scène Caïn et Abel. Gaïa et Hélios cèdent la place à un couple mythique, celui de la Bible. Hélios n’est plus suffisant pour rendre compte de la violence de l’histoire immédiate, la résistance au colonialisme des Algériens, les autres ! Le mythe de Caïn et Abel impose ainsi l’idée d’une fraternité mortifère. C’est bien la rivalité « mortelle » des « frères » qui est la représentation camusienne de la guerre d’indépendance dans Le Premier Homme. Pour poursuivre cette lecture, on peut consulter l’article de Sarra Grira dans Orient XXI, le 7 août 2023, « Algérie. En finir avec le mythe Camus ». Reprenons sa conclusion :

 

« L’épopée coloniale décrite dans Le Premier Homme actualise cet idéal religieux, profane ou civilisationnel de rédemption, où l’Autre est au mieux inférieur, au pire inexistant. Ainsi naît le mythe de ce peuple conquérant qui ne doit rien à l’entreprise coloniale, « où chacun était le premier homme », actualisant le mythe de l’homme pauvre et conquérant malgré lui, qui doit à chaque génération mener sa propre bataille, « apprendre seul, grandir seul, en force, en puissance, trouver seul sa morale et sa vérité. (…) Le seul bien (…) c’est cette terre qui, par sa symbolique, se trouve enveloppée d’une aura de sacralité ».

 

Il y aurait d’autres fictions à convoquer et à interpréter dans la mesure où quelques écrivains choisissent de raconter l’Histoire algérienne du côté français. Qui sont les vainqueurs et les vaincus, qui sont les victimes et les bourreaux ?

 




 

Dans son ouvrage passionnant, Séduction du bourreau (PUF, 2010), Charlotte Lacoste attaque frontalement son sujet en affirmant, dès les premières lignes, la lassitude du lectorat pour « des victimes photogéniques » qui ont été, « depuis près d’un siècle », « le spectacle médiatique quotidien ». Le lectorat a usé son empathie à leur égard et ce désintérêt a introduit celui d’en face, le bourreau qui, mis en scène, visité et détaillé par les écrivains, apparaît souvent, en fin de course, comme une victime… Pensons à Laurent Mauvignier, Des hommes (2009), à Jérôme Ferrari, Où j’ai laissé mon âme (2010), ou à Emilienne Malfatto, Le Colonel ne dort pas (2022).

 




 

Ainsi, l’intérêt a changé de camp : « on écoute les bourreaux nous raconter leur voyage en terre d’inhumanité ». Dans certains récits, le bourreau prenant lui-même la parole, entraîne une certaine identification : « Fi de la distance critique que l’on avait crue indispensable pour penser l’événement historique ».

Dans les pages qui suivent cette introduction, elle passe au scalpel des œuvres qu’elle choisit de disséquer, avec précision et efficacité. Les pages qu’elle consacre au roman de Jonathan Littell, Les Bienveillantes (2006), sont remarquables. On regrette que sa recherche ait été antérieure à L’Art français de la guerre (2011) d’Alexis Jenni.

 

Pourquoi, de façon persistante, cette recherche de Charlotte Lacoste s’imposait à moi en lisant les romans de Mathieu Belezi ? Je constatais bien qu’il ne traitait pas tout à fait des bourreaux mais sa focalisation des premiers colons aux derniers et la manière de compatir à leurs échecs me laissaient un goût amer. Les acteurs choisis prennent la parole et comme l’écrit Charlotte Lacoste : « les confessions de bourreaux, lieu de plainte et de justification, sont de véritables entreprises de victimisation ». On va me dire : des bourreaux ? Claudia, Marie-Claire, Antoine ? Bourreau ? Emma Picard ou Séraphine ? Mais non, bien sûr, le romancier les a construites comme victimes, au détriment des victimes réelles de la colonisation dont il est peu question. Ces victimes ont totalement intégré la supériorité du « Blanc » sur les habitants d’Algérie. On peut en donner beaucoup d’exemples. Ainsi, dans Attaquer la terre et le soleil, Séraphine qui s’exhorte au courage pour aller laver le linge à la rivière :

 

« dans cette lumière faussement bienveillante qui endormait les sens je me tenais prête à signaler aux fusils des soldats la moindre chute de pierre, le mouvement d’une branche, l’éclat fugitif de la lame de quelque yatagan à l’affût, parce que chacune de nous, pauvres femmes, et moi plus que les autres sans doute, avait en mémoire ce qui était arrivé à Germaine, partie toute seule laver son linge en répétant à la cantonade qu’il n’était pas né celui qui l’empêcherait de faire sa lessive, qu’elle en avait vu des bons à rien, des traîne-savates, des surineurs, et que ce n’était pas un Arabe au ventre creux qui allait l’impressionner

  eh bien, elle avait vu, sainte mère de Dieu

  une bande de guenilleux s’était ruée sur elle au moment où elle rinçait son linge, sans qu’elle ait le temps de se retourner, sans qu’elle puisse seulement pousser un cri, c’était comme si ces chiens de barbares étaient tombés du ciel d’Allah (…) »

 

Peut-être faudrait-il ouvrir l’éventail tendu par Charlotte Lacoste pour répertorier la palette différenciée des colons, en gardant à l’esprit ce que peut provoquer dans l’esprit du lecteur, cette concentration de victimisation qui les caractérise. Il reste tout de même quelques vrais « bourreaux » comme Ernest, comme Albert Vandel, comme les soldats de la conquête qui obéissent aux ordres du capitaine, lui-même quintessence du bourreau.

La presse ou des avis de lecteurs soulignent « des pages douloureuses » de l’Algérie coloniale », un « cantique funéraire de l’Algérie française », un « style lyrique, incantatoire » entraînant l’empathie, même pour les pires.

 

Mathieu Belezi condamne le système mais construit une proximité avec les colons. Albert Camus extrait les « pauvres » de l’Histoire coloniale par rapport à laquelle ils seraient restés en marge. Ainsi, on voit qu’il y a nécessité à se doter d’outils interprétatifs pour ces fictions françaises sur la colonisation. Comme le constate Benjamin Stora dans son rapport de 2021 :

 

« Un rapprochement entre la France et l’Algérie passe donc par une connaissance plus grande de ce que fut l’entreprise coloniale » car les populations en présence n’ont pas la même mémoire des faits et des événements. Les textes littéraires sont une réserve de mémoires contradictoires.

 

 

 

Albert Camus, Le Premier Homme, Gallimard, 1994 (rééd. en poche), 331 p.

Charlotte Lacoste, Séductions du bourreau. Négation des victimes,  PUF, 2014, 279 p., 29 €

 

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