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Traduire pour étoiler une parole poétique : Marine Cornuet, Souad Hadj Ali Mouhoub

Photo du rédacteur: Christiane Chaulet AchourChristiane Chaulet Achour


De nombreux essais ont été écrits pour ou contre la traduction. Pour notre part, nous en resterons au pouvoir qu’elle a de faire circuler les textes en dehors du terreau et de la langue où ils sont nés.  On a souvent dit que la traduction de la poésie était impossible, ce qui est en partie vrai et qui laisse à l’original l’entiéreté de son pouvoir de suggestion et de magie. Et pourtant, la traduction est communication, transmission et, malgré son imperfectibilité par rapport à la source, elle est espace de l’échange et de l’abolition des frontières. Antoine Berman dans L’Epreuve de l’étranger (1984) écrit que la traduction n’est « ni calque, ni reproduction mais attention portée au jeu des signifiants ». Par la traduction, une œuvre s’élance dans le monde et survie à son instant d’émergence.


C’est la raison pour laquelle, il nous a semblé nécessaire de présenter deux gestes de traduction de poésie algérienne de femmes, l’une en anglais, l’autre en espagnol. Comme il n’est de meilleure « procureur.e » que la traductrice elle-même, nous laissons la parole, en premier lieu, à Marine Cornuet qui a traduit aux Etats-Unis, Algérie, capitale Alger d’Anna Gréki. Puis à Souad Hadj Ali Mouhoub qui a composé en espagnol, pour une revue mexicaine, une anthologie de poèmes algériens de femmes à partir de l’arabe et du français poèmes traduits en collaboration avec d’autres traductrices.


Christiane Chaulet Achour








La traductrice  présente le contexte et quelques-unes des questions qui se sont posées à elle au cours de son travail.


C'est sur le blog du traducteur Pierre Joris que j'ai rencontré pour la première fois le nom d'Anna Gréki. Plus d'un an s'écoula entre ce moment et celui où j'ai enfin pu lire Algérie, capitale Alger, le premier recueil de Gréki. Entre temps, la pandémie du COVID-19 avait touché le monde entier, et ma recherche de cet ouvrage épuisé s'était transformée en une quête obsessionnelle.

Pendant cette année d'isolation, j'ai pu trouver quelques poèmes de Gréki sur des blogs épars, des sites universitaires, ou encore sur des médias en ligne consacrés à l'actualité, l'histoire, et la littérature algérienne. J'ai pu ainsi saisir par petits morceaux des éléments de la vie d'Anna Gréki : son engagement pour la révolution algérienne, son incarcération à la prison de Barberousse/Serkadji, le meurtre de son compagnon aux mains des militaires français, sa poésie. Elle m'apparaissait petit à petit comme un être indépendant, qui refusait d'être cantonné à des étiquettes préétablies. Cette intellectuelle dont l'action et la pensée semblait surtout façonnée par sa propre expérience s'était lancée dans la lutte pour la libération nationale, chamboulant au passage des modalités relationnelles pourtant fortement établies par l'état colonial.


Ce fut d'abord cette image de Gréki qui me poussa à continuer mes recherches pour trouver ses poèmes. Son adhésion au parti communiste algérien avait été un premier pas de résistance contre l'état français ; le fait qu'elle ait choisi de lutter pour l'indépendance de l'Algérie alors qu'elle était issue d'une famille de pieds-noirs me toucha particulièrement. Ce qui peut être perçu comme de la traitrise par certains peut se révéler, parfois, être un acte d'amour particulièrement fort et approprié. Plus je lisais son travail poétique, plus je sentais que les choix de Gréki venaient, en partie, de son amour pour sa terre dans toute sa réalité physique—une sorte de matérialité qui échappait à la volonté de posséder, de dominer. Cela résonna en moi ; une poignée de terre noire et les bords stratifiés des roches calcaires composent ma propre vision des lieux auxquels j'appartiens.


Et puis il y avait l'explosion de détails sensoriels qui me happait dans les textes de Gréki. Les poèmes que j'avais pu trouver en ligne me saisissaient par leur vitalité. Ils semblaient mouvoir de petites choses dans ma chair et laissaient ainsi leur trace en moi. Au milieu d'un moment de deuil et de peur qui touchait le monde entier, et dans la relative isolation où je me trouvais à New York, ces poèmes stimulaient mes sens et me nourrissaient en espoir et en ténacité.


Seulement douze bibliothèques dans le monde possédaient une copie d'Algérie, capitale Alger, et toutes avaient dû fermer leurs portes au public au début 2020. Depuis mon appartement à Brooklyn, je leur fis parvenir par email des demandes de versions digitales du recueil, sans succès. À Paris, ma sœur contacta la Sorbonne, et à Barcelone, un ami d'Öykü Tekten, une des éditrices de Pinsapo Press, envoya une requête à l'Universitat Autónoma de Barcelona. Aucune de ces demandes n’aboutit.


Puis j'appris qu'en 2019, la maison d'édition française Terrasses avait publié Juste au-dessus du silence, un livre rassemblant une sélection de poèmes et de textes d'Anna Gréki. Je pus soudain en apprendre plus sur la pensée de Gréki, en particulier en ce qui concerne la question de la langue en Algérie. Le français ayant été imposé comme unique langue officielle et seule langue enseignée à l'école pendant plus d'un siècle, beaucoup d'écrivains algériens des années 1950 et 1960 ne pouvaient utiliser l'arabe pour composer leurs textes. Gréki affirmait dans ces essais que le français était simplement un outil à la disposition des écrivains algériens de son temps, mais qu'une fois que l'enseignement de l'arabe et des autres langues de l'Algérie aurait repris, la poésie algérienne pourrait naturellement se saisir de ces langues et trouver son public. Cela signifiait aussi que la traduction deviendrait un élément central de la littérature algérienne contemporaine et de son développement à l'avenir.


Il semblait donc de bonne augure que je me puisse enfin me procurer Algérie, capitale Alger à travers à un réseau de poètes et de traducteur.ice.s. Le professeur, poète, et traducteur Ammiel Alcalay me mit en effet en contact avec un de ses anciens étudiants, Kai Krienke. Kai avait traduit Le soleil sous les armes du poète et révolutionnaire algérien Jean Sénac, et avait rédigé un essai sur Sénac pour un numéro de la revue Lost & Found. Quelques jours seulement après mon premier échange avec Kai, celui-ci m'envoya une série de documents par email. Et là, dans ma boîte mail, tout le recueil de Gréki m'apparut par fragments, scannés patiemment par un ami de Kai, le poète algérien et biographe d'Anna Gréki, Abderrahmane Djelfaoui. J'entamais donc ma lecture.


*


Qu'est-ce qui constitue la puissance d'un poème ? Par quelle alchimie une poignée de vers peuvent-ils faire apparaître tout un monde, absorbant le nôtre lorsque nous lisons ?

Dans un poème intitulé "La poésie remet les choses en place, " Anna Gréki expose son ars poetica. En voici un fragment:


« Je n'écris pas pour moi mais pour tous 

Je dis "je" mais c'est nous qu'il faut lire

J'écris pour "réaliser" une situation

de fait, pour rendre à la vie ce qui est son dû.

[...]

J'ai le privilège de posséder une langue

— peu importe ce qu'elle est —

et je l'utilise pour révéler un certain mouvement

un certain rythme, certains rapports 

de l'homme avec une situation : la révolution algérienne

— j'essaye de la dire —

Toute poésie est révolution

elle traduit les apparences

et va au fait. »


Les poèmes de Gréki sont marquants par leur impact sensoriel, par la vigueur de leur ton. Elle "réalise une situation de fait" et la "rend à la vie" à travers une succession d'éclairs—des images puissantes qui saisissent l'esprit lors de la lecture. Le rythme généré par la succession de ces images fortes fait avancer le poème, et ce rythme se trouve accentué par des schémas rimiques et syllabiques flottants. J'ai décidé d'approcher la traduction des rimes et du rythme avec la même fluidité : lorsque je tentais d'adhérer de trop près à la structure exacte de l'original, la traduction s'en trouvait alourdie et trop rigide, à l'opposé du rythme vif de Gréki.


Le mouvement rapide des vers dans ce recueil provient aussi du fait que Gréki y joue avec la syntaxe de la langue française, permettant aux flux du poème de se poursuivre presque sans ponctuation tout en maintenant une grande clarté de propos. J'ai donc tenté de suivre le chemin tracé par Gréki et ai formulé ma traduction pour qu'il y ait le moins de ponctuation possible, ajoutant seulement quelques virgules lorsque le sens des vers s'en serait autrement trouvé confus. Un de mes objectif principaux était de transmettre l'urgence des poèmes, dont la plupart avaient été composés entre les quatre murs de la cour de la prison, et témoignaient de l'expérience de Gréki de la révolution algérienne ; comme elle l'a dit elle-même, la poésie va au fait.


Gréki revitalise la langue à travers certains choix, par exemple son utilisation de mots anciens comme "pénéplaine", par exemple, ou l'utilisation du mot "science" au lieu de "connaissance" ou "savoir". Le fait qu'elle se serve de ces termes comme s'ils étaient communs a attiré mon attention. Autant que j'ai pu, j'ai gardé dans ma traduction ces particularités vivifiantes, tout comme les quelques néologismes présents dans le texte (comme "dédoré" par exemple, que j'ai traduit par "ungilded"). 


La texture des poèmes est faite de tous ces détails combinés à des traces linguistiques du temps et du lieu dans lesquels elle les a écrits. La version française de mots issus du tamazight et de l'arabe, comme "gandoura" et "oued" par exemple, apparaissent dans plusieurs poèmes. Je les ai gardés tels quels dans ma traduction, à moins qu'une version anglicisée existe et permette aux lecteurs et lectrices anglophones d'en saisir aussi facilement le sens qu'aux lecteurs et lectrices de la version originale.  Ainsi, j'ai par exemple remplacé "chaouia" par "Shawia".


Dans le poème "Menaâ", j'ai gardé le mot "douar" comme un marqueur de la colonisation du mot arabe "duwwār" ou "dawwār". Au dix-septième siècle, ces termes désignaient un groupement de logements ou de tentes arrangés autour d'un troupeau. Pendant l'occupation française, ces mots furent appropriés et francisés afin de décrire un territoire administratif ou un village attaché à une "commune mixte", qui désignait une zone administrative comprenant une proportion plus importante d'habitants autochtones que d'habitants pieds-noirs. En choisissant d'utiliser le mot "municipality" pour traduire "commune", j'ai mis l'accent sur le moule administratif que la France a appliqué mécaniquement sur le territoire algérien occupé et sur la logique aplanissante et destructrice de la colonisation. 


Le recueil est organisé en quatre parties, chacune introduite par quelques vers d'autres poètes qui font écho à la poésie de Gréki par leur puissance lyrique, leur esprit révolutionnaire, et leur manifeste attachement à leur terre. Sept vers de Maïakovski, issus de son long poème "J'aime" (1922) introduisent la première partie. J'ai tenté, sans succès, de trouver l'auteur ou l'autrice de cette traduction française que Gréki avait utilisée, pensant qu'il s'agissait peut-être d'Elsa Triolet. J'ai traduit cette traduction française en anglais. Comme je lis un peu l'espagnol, j'ai pu traduire directement l'extrait qui se situe au début de la deuxième partie du recueil et qui provient d'un poème de Miguel Hernandez intitulé "Vientos del pueblo me llevan" (1937). Enfin, la troisième et la quatrième partie du recueil sont introduites par deux extrait de poèmes d'Aimé Césaire, "Corps perdu" et "Question préalable", tous deux publiés en 1950.


Certains des choix de Gréki étaient difficiles à traduire en anglais. Par exemple, dans certains poèmes le genre de la narratrice change au fil du poème, ce qui crée un effet de surprise ainsi que la possibilité pour plusieurs voix d'émerger du poème de manière visible. Je n'ai pas toujours pu transférer ces nuances vers l'anglais. Cependant, j'espère avoir réussi à exprimer l'idée de multiplicité, de fluidité, et de solidarité contenue dans ces poèmes par d'autres moyens.


L'objectif de cette édition bilingue est de remettre en circulation les poèmes originaux et l'introduction de Mostefa Lacheraf, et de recréer en langue anglaise l'agilité de rythme, la clarté politique, et l'appel passionné qui caractérisent les poèmes d'Anna Gréki. Sa puissance et son franc-parler ont été pour moi des antidotes au désespoir pendant l'assaut génocidaire d'Israël—soutenu par les Etats-Unis—sur Gaza et la souveraineté des Palestiniens. Comme les textes de Mouloud Feraoun, de Frantz Fanon, de Barbara Harlow, d'Albert Memmi, de Faraj Bayrakdar, ou encore de Souha Bechara, ces poèmes montrent que le chemin vers la liberté est souvent long et douloureux, et que s'y avancer requiert énormément de détermination, de courage, et d'imagination. Algérie, capitale Alger donne aussi accès à un moment de l'histoire algérienne, française, et mondiale qui continue de trouver ses conséquences et ses résonnances aujourd'hui. Le recueil préserve cette histoire et la porte jusqu’à nous par l'intermédiaire du souffle urgent et sensible de la poésie. 

 

***

Marine Cornuet a également présenté au public, à New York, son recueil : elle a traduit pour Collateral son intervention dont on appréciera la pertinence et les liens forts avec d’autres paroles poétiques dans des situations contemporaines qui ne peuvent que nous interpeller.



Merci Alexander et merci à la librairie "The Word Is Change" de nous accueillir ce soir. Les librairies comme celle-ci sont des lieux qui nous permettent de nous rassembler et puiser des forces dans le savoir qui nous entoure. Ce sont donc des lieux très importants et ce depuis très longtemps, et ils restent vraiment nécessaires aujourd'hui. Merci à tous d'être ici ce soir, je vous en suis vraiment reconnaissante.


Ce soir, nous allons parler de résistance. D'abord, je parlerai un peu de l'Algérie, d'Anna Gréki, et d'autres militantes révolutionnaires afin de nous orienter un peu. Ensuite, Radhika Singh lira un extrait de son nouveau manuscrit de science-fiction et parlera aussi de la militante révolutionnaire palestinienne Leila Khaled. Radhika a scénarisé une courte bande dessinée sur la vie de Khaled, nous en avons fait des photocopies disponibles à l'accueil. Puis, David Iaconangelo lira sa traduction anglaise de deux poèmes du poète espagnol et résistant républicain Miguel Hernandez—l'un de ces poèmes est cité dans Algérie, capitale Alger. Et enfin, je lirai quelques unes de mes traductions incluses dans ce volume : Algeria, Capital: Algiers. Nous aurons le temps de répondre à quelques questions à la fin.


Anna Gréki est née en 1931 dans le nord-est de l'Algérie dans une famille de colons français. Afin de vous proposer un peu de contexte, il faut d'abord rappeler que le pays que nous appelons aujourd'hui Algérie faisait partie de l'empire Ottoman entre le XVIe et le XIXe siècle. Les Français commencèrent leur invasion de l'Algérie en 1830, et l'Algérie gagna son indépendance en 1962 après 130 ans de lutte pacifique et armée. Il faut aussi noter qu'immédiatement après la libération, l'Algérie a accueilli de nombreuses organisations anticoloniales internationales, y compris la section internationale du Black Panther Party, par exemple.


Pendant l'occupation, l'Algérie était considérée par l'État français comme faisant partie intégrante du territoire français, et le français était l'unique langue enseignée à l'école, à part dans les écoles coraniques. Le pays était considéré comme une colonie de peuplement, et un grand nombre de colons européens furent encouragés à s'y installer. Selon certains historiens, entre un quart et un tiers de la population arabe et/ou autochtone de l'Algérie mourut dans ce processus de peuplement européen à cause des déplacements de masse, des maladies, de la famine, et de la répression sanglante des rébellions qu'elle a causée (voir Ben Kiernan, Blood and Soil, A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur, Yale University Press, 2007). Dans le même temps, l'industrie française reposait en grande partie sur les métaux et autres ressources puisées dans les sols algériens, ainsi que sur les récoltes et la force de travail des travailleurs autochtones. À ce jour, aucune réparation n'a été payée pour cette exploitation.


Au cours de ces 130 années d'occupation, de nombreux Algériens se sont unis pour lutter contre la colonisation de leur terre et réclamer leur indépendance, donnant naissance à un mouvement de libération nationale. Le 8 mai 1945 (Anna Gréki avait alors 14 ans), une large manifestation fut organisée dans les rues de Sétif, une ville relativement proche de là où Gréki vivait à l'époque. Cette manifestation avait deux buts : celui de célébrer la défaite des Nazis en Europe et, pour certains Algériens dans la foule, de faire valoir le droit à leur propre indépendance à travers des chants, des banderoles, et des drapeaux. La police française tenta de saisir les banderoles et tira ensuite dans la foule. Ceci marqua le début d'une rébellion qui dura cinq jours et gagna toute la région. En représailles, l'armée française commit un massacre, larguant des bombes sur des villages entiers, et envoyant des troupes tuer des milliers de civils. Le nombre total de victimes algériennes n'a jamais été établi, mais selon les historiens, ce chiffre varie entre 6000 et 30000 morts.


Ce type d'occupation et de représailles génocidaires semblent malheureusement bien familières aujourd'hui, alors que nous sommes témoin du génocide des Palestiniens commis par Israël avec l'aide des Etats-Unis. Les actes de l'État d'Israël à Gaza et au Liban sont des actes terroristes qui contreviennent au droit international : massacre de civils réfugiés dans les écoles et les hôpitaux, destructions de logements, de lieux de cultes, de librairies, d'universités, et explosion de centaines de pagers récemment, au Liban. L'armée israélienne détruit aussi de nombreux lieux de préservation archéologique, des lieux de préservation du savoir, comme la Bibliothèque Edward Saïd fondée par le poète Mosab Abu Toha, et les lieux de mémoire et de culture. En ce moment même, plus de 9500 palestiniens sont enfermés dans des prisons israéliennes, y compris plus de 3500 personnes emprisonnées sans procès ou même sans inculpation, et dans des conditions atroces (vous pouvez facilement trouver des témoignages d'anciens prisonniers en ligne, témoignages datant de bien avant le 7 octobre 2023).


Ce que Radhika, David et moi voulions célébrer et commémorer ce soir, c'est donc l'esprit, le courage, et les actions de résistance face à tant de brutalité, en Algérie, en Palestine, ici, aux Etats-Unis avec le mouvement Land Back, et ailleurs dans le monde.


Résister, c'est affirmer par tous les moyens dont on dispose que la vie, dans toute sa multiplicité et ses possibles, est précieuse. Ici, je ne parle pas seulement de la vie humaine, mais aussi des autres êtres vivants et de la terre elle-même. La résistance est une question très matérielle, une question d'autonomie, une question de dignité, et une question d'amour. Je pense que Gréki comprenait tout ceci avec une clarté absolue. Elle a été témoin des effets mortifères de l'impérialisme, du racisme, et de l'exploitation sur les personnes et les lieux qu'elle aimait—c'est quelque chose que l'on peut entendre clairement dans ses poèmes et que l'on peut lire dans certaines de ses lettres. On peut aussi voir dans ses poèmes sa vision d'un avenir libéré, avenir qui devient palpable dans ses écrits.


Avant de parler un peu plus de Gréki, je voulais mentionner une autre militante qui portait elle aussi la vision d'un avenir libre et qui a aussi écrit en prison. Il s'agit de la révolutionnaire libanaise Souha Bechara, qui fut emprisonnée sans procès pendant dix ans, entre 1988 et 1998, pour sa tentative d'assassinat sur le chef de l'armée du Liban Sud. L'armée du Liban Sud était alors soutenue par Israël, qu'elle a aidé à occuper le sud du pays de 1982 à 2000. Malgré la torture, et malgré le fait d'avoir passé plusieurs années dans une cellule de moins d'un mètre de long, Bechara et ses codétenues ont continué de résister par tous les moyens possibles. Elles gravaient des noyaux d'olives et en faisaient des perles, elles fabriquaient leurs propres aiguilles afin de coudre et leurs propres "stylos" avec des morceaux de papier d'aluminium afin de s'écrire les unes aux autres sur du papier-toilette. La plupart de leurs créations étaient confisquées et détruites par les gardes, mais elles continuaient malgré tout leurs activités clandestines.


En prison, Bechara commença à écrire des poèmes qu'elle apprit par cœur au fur et à mesure qu'elle les composait. Dans son autobiographie, elle explique qu'écrire était avant tout une question de survie. Ses poèmes avaient pour thème, entre autres, la résistance et l'avenir d'un Liban libre. Elle écrit: "je (...) décrivais les conditions de vie à Khiam (...), les amitiés qui me liaient à certaines des détenues (...). Bien sûr, j'ai dédié un poème à mes parents. Enfin, deux de mes poèmes me permirent de décrire ma vision de l'amour."


Trente ans plus tôt, dans l'Algérie du milieu des années 1950, le mouvement de résistance s'était transformé en une révolution. Gréki étudiait alors à Paris, et en 1955, elle décida de rentrer en Algérie avec son compagnon, le militant communiste Ahmed Inal, fondateur de Union des étudiants algériens de Paris puis co-fondateur de l'Association générale des étudiants musulmans algériens, et leur groupe d'étudiants révolutionnaires. Gréki se joignit aux efforts de résistance contre l'occupation française en cachant des militants du FLN dans sa résidence à Alger. Elle fut arrêtée par l'armée française en mars 1957, en pleine bataille d'Alger, alors que, se sachant recherchée, elle revenait dans la capitale après s'être réfugiée chez ses parents. Elle fut torturée à la Villa Sésini puis emprisonnée à la prison civile d'Alger. 


En prison, elle écrivit des poèmes, dont certains dédiés à Inal et à d'autres militants et militantes, y compris des pieds-noirs qui, comme elle, avaient pris part à la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. Dans ses poèmes on peut lire sa colère, les raisons qui la poussèrent à militer, et aussi le besoin vital de conserver l'espoir, qu'elle nourrit grâce aux souvenirs de la terre qui l'a vue grandir et aux visions d'un avenir paisible et libre de toute oppression. Les poèmes semblent lui avoir permis de "tenir" émotionnellement et moralement en visualisant l'avenir, comme ce sera le cas pour Bechara trente ans plus tard. 


Ainsi, les actions, les choix, et les espoirs de ces militantes révolutionnaires résonnent dans leurs écrits qui font partie intégrante de leurs vies. Leurs textes créent des espaces qui sont comme des lieux de rassemblement, des lieux de mémoire, des endroits où une vision collective peut galvaniser un mouvement. De nombreux poètes et écrivains ont été exilés, emprisonnés, ou ciblés pour leur activisme, comme le militant et poète sud-africain Dennis Brutus, par exemple, ou le poète espagnol Miguel Hernandez qui mourut en prison, ou encore le poète algérien Jean Sénac, ou, plus récemment, le poète syrien Faraj Bayrakdar, ou la poète palestinienne Dareen Tatour, qui fut arrêtée en 2015 par l'armée israélienne pour avoir écrit un poème intitulé "Résiste, mon peuple, résiste-leur" et l'avoir posté sur internet. Et il y a certainement de nombreux poètes inconnus encore emprisonnés, et qui continuent d'écrire. Ce que leurs oppresseurs savent, c'est que ces textes sont de puissants outils de résistance et d'imagination collective.


En 1970, la poète June Joran écrivit un texte intitulé "Our Eyes Have Grown" ("nos yeux ont grandi"), dans lequel elle attire l'attention sur l'aspect collectif des luttes de libération et sur l'importance de l'imagination dans ces luttes. Ainsi, elle écrit :

"Nos mots doivent croitre. Si nous abandonnons la langue, nous abandonnerons sans aucun doute le sens du mot humain.

Nos mots doivent croître : frère, famille, maison : ces mots doivent croître rapidement pour englober le monde entier, ou alors nous ne survivrons pas."


Pour prolonger l'idée d'une vision d'un monde libre qui s'articule à travers les mots et l'écriture, j'ai l'honneur de tendre le micro à Radhika Singh.


***



Souad Hadj Ali Mouhoub s’est attelée à proposer, pour sa part, par sa traduction en espagnol et celle d’autres traductrices, un panorama des poèmes de femmes algériennes pour en faire mesurer la richesse et la diversité. Cette anthologie a été publiée dans une revue mexicaine en ligne LAOTRA. Revista de poesía + Artes visuales + Otras Letras.


 




POÉSIE DE FEMMES ALGÉRIENNES (Poesía de mujeres argelinas)


L’idée d’élaborer une anthologie d’écrivaines algériennes à paraître pour un lectorat hispanophone m’a toujours interpellée. D’ailleurs un tout petit échantillon a déjà vu le jour dans le cadre de l’association Presencia Argelina, créée à Madrid entre 2003 et 2013, dont je faisais partie. Ses prémices parues en mars 2004, dans un livret de vingt-huit pages, de production artisanale, intitulé Palabras. Versos y prosa de mujeres argelinas, regroupent des poèmes et des fragments de textes de vingt-et-une femmes qui ont été choisis et traduits en espagnol par quelques membres de l’association. 


En août 2024, à l’occasion de ma participation au 2ème Colloque international “La voix des femmes dans la littérature de tradition orale” (“La voz de las mujeres en la literatura de tradición oral”), organisé par l’Université Autonome de Mexico, où j’ai présenté une conférence sur “Le rituel de la boqala. Poésie orale féminine algérienne”, l’une des organisatrices, la professeure et poétesse Grissel Gómez Estrada, m’a suggéré de présenter une plate-forme pour la revue mexicaine en ligne LAOTRA. Revista de poesía + Artes visuales + Otras Letras, regroupant une dizaine de poétesses algériennes avec une sélection de quelques-uns de leurs poèmes devant paraître en langue espagnole. C’est ainsi qu’est née la petite anthologie Poesía de mujeres argelinas, dont, ci-après, la traduction en français du texte de présentation:


Bien que certaines personnes estiment qu’il ne faudrait pas parler de littérature féminine, car il n’existe que la “Littérature”, sans plus, les écritures et les multiples voix de femmes ont démontré, depuis longtemps déjà, qu’il y a et qu’il y aura une littérature féminine tant qu’il existe encore des inégalités évidentes et légalisées entre les hommes et les femmes. Conscientes de cette réalité, les femmes l’expriment, chacune à sa manière, mais partant de ce substrat commun qui les unit.  

En Algérie, pays qui a subi de longues peines durant son histoire et dont les conséquences ont fortement affecté les femmes, ces dernières ont lutté de différentes manières pour acquérir un statut digne en tant que membres de la société. Un des moyens de leur combat est la “parole”. C’est avec cette parole qu’elles ont dénoncé l’extrême injustice commise contre le peuple algérien durant la longue occupation française de leur pays qui a pris fin au milieu du XXes. avec une guerre de libération dans laquelle des femmes se sont impliquées également avec des armes. C’est avec la parole, et en pleine indépendance du pays, qu’elles ont protesté contre les abus dont elles ont fait l’objet et ont réagi avec fermeté contre le rôle réducteur qu’on a voulu leur imposer par des lois réticentes au changement. Elles ont toujours élevé la voix quand on a voulu les réduire au silence.  

Aujourd’hui le nombre de poétesses (ou poètes, selon le goût et la conviction de chaque personne) a augmenté et le ton de leur voix s’est amplifié. Aux pionnières de la parole et du vers se sont unies au cours de ces dernières décennies de nouvelles générations de femmes qui ont élargi l’éventail thématique déjà riche qui vise à libérer le verbe et les consciences. 

Les douze poétesses que j’ai choisies pour la revue La Otra sont Myriam Ben, Assia Djebar, Aicha Djellab, Rabia Djelti, Anna Gréki, Souad Hadj-Ali Mouhoub, Souad Labbize, Zineb Laouedj, Ahlam Mostaghanemi, Samira Negrouche, Lamis Saïdi et Zhor Zerari. Douze auteures ne suffisent pas à représenter toutes les autres, car elles sont nombreuses les Algériennes qui écrivent, mais elles traduisent leur volonté de parler et de se faire entendre. En plus, elles le font dans différentes langues; elles écrivent et déclament leurs vers en arabe, en tamazight, en français...

Bien que je sois consciente de l’importance de la langue et de la charge émotionnelle et revendicatrice que signifie pour chacune d’elles sa propre langue d’expression, j’ai préféré présenter les poèmes uniquement en espagnol – grâce aux traductions de Jeannine Alcaraz, Lila Benlamri, Jacobo Bergareche, Lamis Saidi et aux miennes –, simplement pour éviter de tomber dans un déséquilibre linguistique et uniquement dans le but de prioriser le message transmis par ces femmes. 


La sélection de ces femmes s’est faite essentiellement en fonction de la disponibilité des textes et du temps dont je disposais pour effectuer cette tache (le mois de septembre). Pour ce faire, j’ai d’abord utilisé les livres de ma bibliothèque personnelle, à savoir celui de Myriam Ben, Anna Gréki, Zineb Laouedj, Samira Negrouche, Zhor Zerari et mes propres poèmes, écrits directement en espagnol. Vivant dans une petite ville du sud de l’Espagne du nom de Cartagena, je ne pouvais pas prétendre consulter des librairies ou des bibliothèques pour trouver des recueils de poésie algérienne, la littérature de mon pays étant très peu connue ici, de surcroît quand il s’agit de poésie. J’ai alors fait appel à mon amie Jeannine Alcaraz qui connaît personnellement Rabia Djelti et dont elle a déjà traduit quelques poèmes; j’ai également contacté Lamis Saïdi par l’intermédiaire d’un ami commun et utilisé l’outil Internet qui m’a permis de retrouver les premiers poèmes d’Assia Djebar, de découvrir Souad Labbize et Aïcha Djellab et de redécouvrir Ahlam Mostaghanemi. J’ai considéré que quatre poèmes par auteure seraient suffisants pour donner une idée de leur création. C’est ainsi qu’a été éditée par la revue mexicaine LAOTRA (le 17 décembre 2024) cette plaquette intitulée Poesía de mujeres argelinas qui réunit douze poétesses avec leur biographie respective et un échantillon de quarante-huit poèmes.


Pour la traduction, j’ai compté sur la contribution de Jeannine Alcaraz pour les quatre poèmes de Rabia Djelti et sur celle de Lila Benlamri pour certains poèmes d’Ahlam Mostaghanemi et de Zineb Laouedj. Lamis Saïdi, qui maîtrise l’espagnol, s’est chargée personnellement de la traduction de deux de ses poèmes, les deux autres ont été traduits par Jacobo Bergareche. 


Les poétesses citées ici représentent quatre générations dont la dernière s’arrête au début des années quatre-vingt (1928-1981). Je reconnais que la présence d’auteures plus jeunes aurait permis d’avoir une meilleure vue d’ensemble de ce qu’est la poésie algérienne au féminin. Quoi qu’il en soit, je suis convaincue que de nombreux thèmes sont traités par les différentes générations de poétesses avec autant de profondeur et de sensibilité même si les repères et l’approche stylistique diffèrent. Nous le constatons déjà dans les quarante-huit poèmes où plusieurs thèmes sont partagés par les douze poétesses concernées. Celui de la guerre y est traité avec tous les maux et la douleur qu’elle peut entraîner comme l’engagement et le sacrifice, la perte des êtres chers, l’emprisonnement, les exécutions, la mort; cette guerre qui provoque la “Colère devant l’enfant sans pain ni mère”. 


La recherche de la liberté est présente, en temps de guerre comme en temps de “paix”, depuis la prison réelle ou à partir de l’enfermement qu’on veut imposer à ces femmes. Son absence peut même engendrer la folie. L’exil ne peut être oublié puisque certaines auteures l’ont vécu et l’ont transporté des années durant dans leur “baluchon” comme le décrit Souad Labbize à travers ce poème : 



Au pays de l’amante imaginaire

les frontières fuguent

vers les collines abandonnées

rêve des lignes de front


des apatrides comme nous

figues dattes olives

déroulent nappes d’en-cas

au pied de l’arbre de solitude

les coquelicots suivent

la danse des tournesols


Toi qui erres

je t’attends au no man’s land

de l’amante imaginaire


viens avec tes rêves tes blessures

j’ai préparé une gelée

des fruits tombés

du figuier tourmenté

Toi qui n’a plus de nom

viens je te raconterai

les confidences des épis de blé

aux fleurs de pavot

bribes épargnées par le vent

Tu étendras tes peines

sur le talus de la lessive

quand ils seront secs

nous les rangerons

sous le rocher de l’oubli

Au pays de l’amante imaginaire

les frontières jouent à semer

chasseurs de fugitives

là un abri

creusé dans un tronc

avec un vieil écriteau

tu sauras peut-être

le déchiffrer




En el país de la amante imaginaria

las fronteras escapan

hacia las colinas abandonadas

sueño de las líneas del frente

de los apátridas como nosotros

higos dátiles aceitunas

extienden manteles de tapas

al pie del árbol solitario 

las amapolas siguen 

el baile de los girasoles

tú que deambulas

te espero en la tierra de nadie

de la amante imaginaria

ven con tus sueños tus heridas

he preparado una gelatina

con la fruta caída

de la higuera atormentada

tú que ya no tienes nombre

ven te contaré 

las confidencias de las espigas de trigo

a las flores de amapola

pedazos salvados por el viento

expondrás tus penas

en el talud de la colada

cuando estén secos

los guardaremos 

bajo la roca del olvido

En el país de la amante imaginaria

las fronteras juegan sembrando

cazadores de fugitivos

allá un cobijo

cavado en un tronco

con un viejo letrero

tal vez sepas

descifrarlo



Le souvenir lutte contre l’oubli. Il leur rappelle leur origine, leur vécu et la propre histoire du pays. Malgré les peines que celui-ci endure, le désespoir est toujours vaincu grâce à la lueur du jour naissant et à l’amour. Oui, l’amour sous toutes ses formes imprègne les vers transcrits, l’amour pour la patrie, pour la nature et la terre fragilisée par trop de réchauffement, l’amour pour les enfants égarés, l’amour des amants... et cet amour pour le père absent, que déclare, depuis la prison, Zhor Zerrari dans le poème suivant : 


          À mon père


Et je me rappelle

Le jour où tu m’as dit

“Quand je mourrai

Ne m’oublie pas

Viens souvent me voir”


Je ne sais pas si tu es mort

Et si tu es mort

Je ne sais où est ta tombe


Et je l’imagine

À l’ombre

Le soleil n’y viendrait

Que le matin


Le jour

Où je verrai ta tombe

Tu ne m’attendras plus

Je serai là

Tout près de toi

Et je prendrai ta main

En posant la mienne

Sur la pierre glacée

Et doucement

Au murmure des saules pleureurs

Je te chanterai 

L’aube naissante

Et la fraîcheur 

Des matins algériens

La brise toujours fidèle

T’apportera la prière

                            du matin


Je te chuchoterai

Tout bas

La dernière caresse

De la vague qui s’en va


El l’infinie souffrance

D’une flûte qui s’ennuie

Et quand je partirai

Pour ne pas te réveiller

Doucement je glisserai

Ma main sur la pierre glacée

Je partirai

Mais tu sauras

Que mon absence ne sera plus

Aussi longue.

         A mi padre


Y recuerdo 

Cuando me dijiste

“Cuando muera

No me olvides

Ven a verme a menudo”


No sé si has muerto

Y si has muerto

No sé dónde está tu tumba


Y me la imagino

A la sombra

El sol aparecería 

Solo por la mañana


El día

En que vea tu tumba

Dejarás de esperarme

Estaré allí

Muy cerca de ti

Y cogeré tu mano

Poniendo la mía

Sobre la piedra helada

Y suavemente

Bajo el murmullo de los sauces llorones

Te cantaré

El alba naciente

Y el frescor 

De las mañanas argelinas

La brisa siempre fiel

Te aportará la plegaria

                de la mañana


Te susurraré

Muy bajito

La última caricia

De la ola que se va


Y el infinito dolor

De una flauta que se cansa

Y cuando me vaya

Para no despertarte

Suavemente deslizaré

La mano sobre la piedra helada

Me iré

Pero tú sabrás

Que mi ausencia ya no será 

Tan larga.



Et d’autres thèmes encore, comme cette ode à Alger d’Anna Gréki : 


Algérie capitale Alger


J’habite une ville si candide

Qu’on l’appelle Alger la Blanche

Ses maisons chaulées sont suspendues

En cascades en pain de sucre

On coquilles d’œufs brisés

En lait de lumière solaire

En éblouissante lessive passée au bleu

En dentelle en entre-deux

En plein milieu

De tout le bleu

D’une pomme bleue

Je tourne sur moi-même

Et je bats ce sucre bleu du ciel

Et je bats cette neige bleue de mer

Bâtie sur des îles battues qui furent mille

Ville audacieuse Ville démarrée

Ville marine bleu marine saline

Ville au large rapide à l’aventure

On l’appelle El Djazaïr

Comme un navire

De la compagnie Charles le Borgne


    Argelia capital Argel


Vivo en una ciudad tan cándida

Que la llaman Argel la Blanca

Sus casas encaladas están colocadas

En cascada en pan de azúcar

En cáscaras de huevos rotos

En leche de luz solar

En deslumbrante colada azulada

En encaje en entredós

En pleno centro 

De todo el azul

De una manzana azul

Giro sobre mí misma

Y bato el azúcar azul del cielo

Y bato esta nieve azul del mar

Alzada sobre islas batidas que fueron mil

Ciudad audaz Ciudad lanzada

Ciudad marina azul marino salina

Ciudad de alta mar pronta a la aventura

La llaman El Yazaír

Como un buque 

De la compañía Charles le Borgne



Anna Gréki, Algeria, capital : Algiers, translated by Marine CORNUET, with an introduction by Ammiel ALCALAY, Pinsapo Press/ Lost1Found : The CUNY Poetics Document Initiative, 2024, 253 p.


Pour mémoire - Une de ces écrivaines, Souad Labbize, avait répondu à nos questions dans Collateral, à la suite de la présentation du roman d’Amira Ghenim qu’elle avait traduit, Le Désastre de la maison des notables, le 6 septembre 2024. Le 19 novembre 2024, nous avons présenté l’ouvrage de Lazhari Labter, Anna Gréki ou l’amour avec la rage au cœur. Ainsi se tissent des liens, de chronique en chronique.

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