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  • Photo du rédacteurSandra Lucbert

Sandra Lucbert : La vie psychique de ce pouvoir




Elysée, 9 juin (c) DR

Partout on s'interroge sur ce qui s'est passé "dans la tête du président". Mais on ne produit que du psychologisme, là où une analyse en termes de structures est non seulement possible, mais indispensable.

Rencontre entre une structure psychique et des structures politico-économiques.

Voici de la littérature qui s'essaye à le penser.



Je suis du service politique, je ne veux pas

psychologiser mais ;

on assiste presque, enfin je ne dirais pas une humiliation de ses ministres, pourtant ;

dûment photographiée et publiée par

sur le site officiel de l’Elysée, voyez leurs visages : Attal les yeux dans les phares de sa dévastation, Darmanin, les mains

Lui, de dos.

Eux, de face.

Il veut qu’on voie ça, n’est-ce pas ?

C’est réfléchi, non ? C’est, je ne veux pas dire de la perversité, pas de psychologie de bazar, mais,

comment dire ?

 

Dites toxique, comme Edwy Plenel, propose Valentine Oberti du même journal

Ah oui, toxique,

c’est beaucoup moins chargé, c’est

dans les magazines de gourdification, c’est dans

Britney Spears ; c’est

que la politique, voyez-vous, ça ne doit pas se psychologiser, pas

se ratatiner à des

idées de comptoir

psychanalytiques.

 

Nous n’essaierons pas de savoir

ce que psychose,

ce que perversion signifient.

Non. Pas d’excès d’investigation extra factuelle.

Nous n’envisageons pas de comprendre comment le pouvoir de dissoudre,

après le pouvoir d’imposer toutes ses décisions contre l’avis général, rencontre une structure psychique.

Les structures politiques et les structures psychiques ne relèvent pas

du service politique.

 

Nous préférons les symptômes sans cause et notre indignation.

 

En privé seulement, entre nous, on dira : ce mec est dingue, il est complètement tordu.

 

A part soi du service politique, on a vu, pourtant, ces deux visages, un dimanche soir, se succéder.

Dialoguer leur jouissance.

La gueule carrée de la stupidité

exige.

S’adresse au président qu’il a incorporé : on l’a vu entièrement reproduire ses répliques, ses postures, sur les plateaux,

répéter après lui – moins bien qu’Attal, mais mieux,

Attal n’électrise pas 33% des votants, Attal se ridiculise sur Tiktok.

Maintenant, c’est toi et moi, dit le président au gagnant qu’il a préalablement mis en lui. Et réciproquement.

Un rencart sur canal érotique national,

qui trouve réponse immédiate.

Le cheveu sur la langue, l’air grave, vibrant d’intensités troubles,

il ne nous parle pas, ils se parlent.

Je dissous donc, ce soir, l’Assemblée nationale.

Je t’ai vu petit fasciste, m’imiter, ta prestance

d’idiot,

tes muscles. Les miens sont une création photographique mais, une fois créés, ils sont.

 

Regarde, petit fasciste

D’un mot de moi       

Tout est fini

Pu de gouvernement pu d’assemblée pu rien, là

Tout est moi ze suis le corps de la nation

z’efface mon parti en un zour comme ze l’avais créé en trois mois

 

On aura réunions photographiées, comme sur Libération cette couverture nos deux visages d’hommes

puissants sous le regard de Brigitte.

Pendant ce temps, ils gesticuleront.

On se frôlera dans les couloirs – et je t’écraserai.

 

Mais au service politique, on n’ira pas travailler ces notions,

Freud c’est pas

politique. Enfin, c’est mal politique, et on ne va pas. Lacan c’est compliqué.

Freud-Lacan + la cinquième république + le néolibéralisme dégondé, c’est arrêter de parler pour essayer de

comprendre.

Non. Au service politique, on n’a pas cette culture-là.

 

Perversion : se dit de qui soutient sa persévérance en plongeant les autres dans la détresse.

Psychose : se dit de qui s’est construit psychiquement sans pouvoir inclure l’altérité.

Majeure perverse, mineure psychotique – ici dans une version pas du tout aimable – : se dit de la structure psychique de ce personnage.

Qui a rencontré les prérogatives présidentielles de la cinquième république, le capitalisme financiarisé et la spécularité numérique en continu.

 

Il ne touche plus terre puisque nous touchons au chaos

Nous parlera trois fois par semaine alors qu’il est universellement haï

Alors qu’il

n’a rien à dire sinon

qu’en notre désarroi par lui ourdi

joui

il est le seul recours.

 

Alors : des effets sans causes

structurelles ? Ni politiques, ni économiques, ni psychiques ?

Jamais d’articulation entre elles ?

 

Non : une psyché rencontre la crise organique. Et elle a tout pouvoir.




 

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