top of page
  • Photo du rédacteurJohan Faerber

Laurent Jenny : « Il suffit de regarder des photographies de nous-mêmes pour ne pas nous y retrouver » (Sur l’instant)


Archive de Laurent Jenny


Lâchez absolument ce que vous êtes en train de lire pour vous précipiter sur le nouveau récit de Laurent Jenny, Sur l’instant qui vient de paraître chez Verdier. Sans nul doute est-ce l’un des plus beaux textes parus ces dernières années : une manière de trouver, depuis la phrase, une zone de sensible et de délicatesse par laquelle l’auteur revient sur les images de sa vie qui ont pu le marquer, faire impression en lui de manière vive et si lumineuses. Inutile de dire combien, pour ouvrir ce dossier consacré à l’art conjoint des images et de la parole, Collateral est allé à la rencontre de Laurent Jenny le temps d’un grand entretien.

 


Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre très beau récit, Sur l’instant qui vient de paraître aux éditions Verdier. Comment vous est venu le souhait de collecter et d’écrire sur ces instants, notamment ces « Instants de l’enfance, venus de très loin, poussant parfois vers des phrases » ? Vous aviez pu déjà produire un très beau récit d’instants, Le Lieu et le moment, un des textes majeurs des années 10 dans la quête du sensible.

 

Sur l’instant est effectivement dans le prolongement d’un premier texte publié chez Verdier en 2015, Le lieu et le moment. Il s’agissait déjà d’une forme d’autographie anti-narrative parce que réduite à des instants sensibles où l’importance du « moi » s’efface dans la perception du monde. Comme dans le cas de Sur l’instant, j’hésiterais à parler de « récit » (parce que ces expériences sont fondamentalement discontinues) et j’ajouterais que  la visée n’est pas non plus franchement autobiographique, au sens où le genre s’attache ordinairement à une constitution imaginaire du moi. Je m’efforce de relater des événements où ce moi n’apparaît qu’« en creux » et presque comme un regard anonyme. Ce qui cependant distingue Sur l’instant du texte précédent, et j’ai voulu l’indiquer par le double-sens du titre, c’est que c’est à la fois une suite de moments privilégiés réellement vécus et une réflexion critique sur le temps, la mémoire et la mise en langage de l’expérience. J’aime citer une réflexion de Jacques Roubaud, qui dit (à peu près ) : « De ce qui n’eut jamais lieu, la photographie se souvient ». Cela paraît paradoxal et presque absurde, mais c’est profondément vérifiable par chacun. Il suffit de regarder des photographies de nous-mêmes pour ne pas nous y retrouver, bien que, sans aucun doute, cela ait eu lieu. Or la même chose se passe dès qu’une expérience très intense est convertie en langage. Elle se met à vivre une vie-en-langage qui sans doute a ses racines dans un réel mais qui est d’une nature tout autre. Dans Sur l’instant, j’ai voulu à la fois revenir à des expériences épiphaniques merveilleuses ou cruelles et rester « aux aguets » sur la forme que je leur donnais inévitablement par l’écriture.

 

 

 

 

Ce qui frappe dans les instants que vous évoquez, c’est combien dans Sur l’instant ceux que vous choisissez sont autant d’instants sensibles. Votre attention se fixe ainsi sur des véritables foyers sensibles à entendre comme autant de déflagrations de sensations, odeurs, couleurs, saveurs. C’est à ce titre notamment que les instants émanant de l’enfance trouvent dans votre récit une place singulière tant, comme vous le rappelez, ils renvoient à ce que Wordsworth nomme les « spots of time » ou instants remarquables par « leur relief particulier ». Diriez-vous ainsi que les instants qui vous paraissent remarquables sont des moments d’une intensité inouïe ? Pourquoi jugez-vous comme Wordsworth que l’enfance est le lieu d’élection même de cette intensité de l’instant : que possède-t-elle de particulier selon vous ? Provoque-t-elle d’une certaine manière une épiphanie ?

 

C’est devenu presqu’un lieu commun moderne d’admettre qu’il y  dans l’enfance une fraîcheur des impressions sensibles, souvent d’autant plus forte qu’elles sont à la fois neuves et incomprises. Mais la reconnaissance de cette qualité perceptive de l’enfance est relativement récente. Disons qu’elle remonte au romantisme anglais, à la toute fin du 18e siècle. La sensibilité à l’instant est littérairement exprimée pour la première fois par le poète William Wordsworth dans son poème autobiographique Le Prélude (1799) qui emploie l’expression « spots of time », difficilement traduisible – si ce n’est d’ailleurs par « instant » -,  pour qualifier des circonstances marquantes d’un point de vue à la fois émotionnel et sensible, particulièrement dans l’enfance. Ce qu’il y a d’intéressant chez Wordsworth, c’est qu’il suggère que ces instants ont « un pouvoir de fructification imaginative ». Ils ne sont pas fixés une fois pour toutes mais mènent leur vie dans la durée de nos existences, se trouvent ravivés, amplifiés, transformés par des expériences nouvelles. J’ai pu le constater par exemple, il y a quelque temps, en revoyant par hasard un épisode du Cirque de Charlie Chaplin, où Charlot s’est enfermé par mégarde dans la cage d’un lion : d’une façon fulgurante cela m’a renvoyé au souvenir anodin et oublié où j’ai été exposé dans l’enfance au mépris et à la méchanceté de garnements dans la chambre de qui j’avais été envoyé jouer, lors d’une visite de ma mère à une amie… Baudelaire évidemment prolonge ce lieu commun en faisant de cette sensibilité (« l’enfance retrouvée à volonté ») la marque du « peintre de la vie moderne ». Cet état d’acuité perceptive enfantine, j’ai essayé de le retrouver aussi dans des expériences d’adultes où il se trouve ravivé par l’intensité de certains vécus : passion amoureuse, vertiges hallucinogènes, dépaysements de l’ailleurs, confrontations à la mort d’autrui.

 

 

 

Les instants qui forment Sur l’instant se présentent le plus souvent comme des instants qui affleurent au langage, qui sont poussés vers des phrases. S’engage en effet de fragments en fragments une réflexion sur le langage capable de rendre compte de l’instant en tant que tension : « Avant que je ne le dise, que je recrée en mots sa tension intérieure, l’instant a des contours flous. Une fois dit, c’est l’arc de la phrase qui relaie, tendu entre majuscule et point, entre ce qu’elle annonce et ce qu’elle résout à son terme. » La phrase fait vivre et surtout revivre l’instant vécu : diriez-vous ainsi que par la phrase et dans la phrase l’instant parvient enfin à être non seulement fixé mais surtout enfin véritablement disponible presque à loisir, va contre l’immatériel ? N’ouvre-t-il pas ainsi un autre temps que le temps lui-même qu’il évoque : une manière de présent de la phrase qui n’est pas le présent de l’instant ?

 

Oui, c’est l’énigme autour de laquelle je tourne et que je voudrais faire éprouver au lecteur  : il y a un temps de l’instant et il y a aussi un temps de la phrase qui le recueille et lui donne forme. Il y a une « énergie » de l’instant mais aussi une « tension » de la phrase. Mais a-t-on affaire à la même chose dans les deux cas ? Ce problème qu’on rencontre aussi avec le récit de rêve n’est pas moins troublant avec ce qu’on pourrait appeler le récit de conscience… Aurions-nous d’ailleurs une conscience de l’instant si nous n’avions pas la capacité de constituer ces ensembles clos que sont les phrases ? Dans un chapitre de mon livre, « Tentative d’extension d’un instant », j’ai essayé d’observer le plus précisément possible comment s’était pour moi constitué un instant et dans quel rapport avec le langage. Il s’agissait d’une matinée de printemps dans une petite bourgade ottomane de Turquie, Birgi. J’y ai éprouvé, une merveilleuse impression de fraîcheur du lieu, vivacité printanière, gentillesse de l’imam rencontré près de la mosquée, beauté de coloris, saveur d’un déjeuner improvisé, ingénuité de l’instituteur venu à notre rencontre pour bavarder. Tout cela s’est composé, me semble-t-il comme une sorte de résonance harmonique entre humeur affective, sensations tactiles, odeurs, ravissements visuels ou imaginatifs, et j’ai essayé de ressaisir à quel moment j’ai pris conscience de la durée privilégiée qui s’instaurait et me devenait de plus en plus évidente. Je me suis demandé si cette prise de conscience était liée à certains mots qui flottaient dans mon esprit et reliaient toutes ces sensations, le mot « fraîcheur » par exemple dans toutes ses connotations thermiques, visuelles, morales même, voire le nom « Birgi » qui lui-même a quelque chose de printanier sonne comme une trille d’oiseau … Bien sûr, il est très difficile, voire quasi impossible, de définir à quel moment précis un vécu sensible s’arrime à des bribes de langage qui le confortent. C’est pourquoi j’ai comparé la prise de conscience de l’instant à une séance d’analyse où l’on ne sait jamais exactement quand a commencé le « travail » : était-ce dans le métro qui menait vers le cabinet de l’analyste, dans le salon d’attente ou alors beaucoup plus tard, en plein milieu de la séance ? Ce qui est sûr, c’est que lorsqu’on prend conscience d’un instant, on y est déjà inséré, il a déjà commencé sans nous prévenir… Nous n’en sommes jamais tout à fait contemporains.

 

 

Ce qui est remarquable dans Sur l’instant, c’est la manière dont le saisissement de l’instant,  induit une poétique de la discontinuité. La vie n’est ainsi pas, selon vous, une somme d’instants, leur addition rectiligne mais au contraire une suite discontinue, violemment disparate d’instants qui ne s’additionnent pas. Vous l’affirmez sans détours : « L’instant défie la continuité de la vie. » Ma question sera la suivante : est-ce que cette discontinuité qu’induit la puissance épiphanique de l’instant est créatrice de formes pour vous en tant qu’écrivain, et si oui, quelle forme ? Est-ce les blocs-souvenirs qui glissent mais ne s’enchaînent pas véritablement à d’autres paragraphes-souvenirs, entend suggérer par ces sauts continuels une discontinuité dans la forme ?

 

Je suis très frappé par le fait qu’il existe deux façons antagonistes de se représenter la vie de la conscience. Philosophiquement, cela s’est illustré dans les années 1930 dans le conflit théorique  entre Bachelard  et Bergson : du côté Bergson l’idée d’un flux continu de la conscience, d’une constante intuition de la « durée », et du côté Bachelard la conviction que la conscience n’est faite que d’instants discontinus plus ou moins artificiellement reliés entre eux par l’imagination. En dehors du champ philosophique, cela s’est illustré aussi par des poétiques opposées : en gros, le roman du monologue intérieur contre le fragment ou le poème bref. Pour moi, le plus intéressant, c’est que des écrivains aient pu osciller entre ces deux poétiques. Joyce, avant d’être l’écrivain du monologue intérieur continu, a commencé par noter des « épiphanies » très brèves (qu’on retrouve d’ailleurs noyées dans ses romans). Beckett au contraire, après des récits d’une très grande continuité a fini par des formes ultra-brèves et fragmentaires. Et plus récemment Tanguy Viel a montré qu’il était partagé entre l’impeccable bouclage narratif de ses romans et la tentation d’une écriture beaucoup plus discontinue, au fil de la vie et des pensées, comme l’illustre son dernier livre Vivarium, dont vous avez récemment rendu compte. Quoi qu’il en soit, je me situe clairement du côté d’une esthétique du discontinu, qui me paraît plus « vraie », ou en tous cas plus actuelle que l’autre. Je crois que l’invention de la photographie a été décisive pour donner forme à un rapport fragmentaire au temps et, d’une façon générale, je m’intéresse beaucoup au temps photographique, qui, pour moi, n’est pas sans rapport avec l’écriture. La phrase a les mêmes capacités de découpe et de configuration d’une représentation que le cliché photographique. Cela ne veut pas dire que la photographie ou la phrase n’aient pas une temporalité interne : nous les parcourons l’une et l’autre, et, si l’on peut dire, nous animons leur fixité par la durée de nos déchiffrements ou de nos contemplations…

 

 

Ce qui ne manque pas de frapper dans Sur l’instant, c’est la manière dont votre récit interroge en permanence le genre littéraire qui est le sien. Par leur rendu sensible, vos instants relèvent à l’évidence du récit, et plus particulièrement de la saisie autobiographique. Par leur interrogation sur la nature des instants, votre propos s’apparente à l’essai sans jamais cependant s’y réduire. Par le tableau des sensations, vos fragments d’instants s’offrent comme autant de poèmes en prose. Diriez-vous ainsi que Sur l’instant s’installe à la croisée de ces trois genres ? Plus largement, n’est-ce pas aussi l’émanation de la vie sensible en tant que telle, qui par sa prolifération et sa richesse offre une telle variété générique à votre livre ?

 

Pour moi, la grande qualité de la littérature, c’est d’être une parole sans autorité mais aussi sans spécialité. Pour le dire plus simplement : elle parle de tout et de rien et  elle doit s’efforcer d’en parler de toutes les façons. Je suis en quête non pas d’une « une vie en forme de phrase » à quoi songeait Barthes dans La Préparation du roman, mais d’« une phrase en forme de vie », c’est-à-dire ouverte. Donc, j’essaye d’échapper aux « genres littéraires ». L’intime, le sensible, la douleur, la jouissance sont des objets « poétiques » non pas au sens de l’embellissement mais au sens de l’exigence de fidélité à la perception qu’ils appellent.  Mais ce sont aussi des objets de pensée. Il n’est guère possible d’écrire sur ce qui nous importe sans réfléchir à ce que notre écriture fait à ce qui nous importe, à la façon dont elle le transforme, le convertit dans un autre espace… Nous voici donc à la fois du côté du poème en prose et de l’essai réflexif Que tout cela constitue pour finir une sorte de récit qui s’instaure imaginairement par-dessus les « blancs », c’est peut-être une donnée inévitable due à la forme « livre »…

 

 

Si Sur l’instant se donne comme une autographie, peut-être s’agit-il d’une autobiographie d’un genre particulier qui ne rendrait pas seulement compte d’une vie mais qui chercherait à percevoir l’existence d’un homme comme une vie esthétique. Du titre de l’un de vos essais, Sur l’instant semble ainsi s’apparenter à cette vie esthétique, traversée d’instants qui font image mais autant d’images qui appellent précisément à la fois à écrire, à peindre et plus largement à composer. Diriez-vous ainsi que Sur l’instant est une manière de suite à cet essai, La Vie esthétique. Stases et flux ? Est-ce une manière encore plus sensible de prolonger ce que vous avanciez dans cet essai ?

 

Ces deux livres sont dans un rapport symétrique. Dans La vie esthétique, je me demandais quelles traces les œuvres littéraires, musicales ou picturales (qu’elles soient de « haute » ou « basse » culture) laissent dans notre vie mentale, ou, pour le dire plus précisément, quelles « formes de vie » elles nous permettent de nous approprier et de transporter au-delà des œuvres qui en ont été l’origine pour les projeter sur les moments de notre existence. C’était donc une question spéculative, propre au genre de l’essai, mais elle ne pouvait trouver de réponse que dans le compte-rendu très précis d’expériences personnelles, où des formes de ce type ont modelé pour moi des moments de vie. Cet essayisme tirait donc inévitablement du côté de l’autographie. Sur l’instant fait un chemin à peu près inverse. Dans son mouvement, le livre part  de moments « épiphaniques »  vécus, essaye de les retrouver et de les décrire, mais il ne cesse de se questionner sur l’expérience du temps discontinu et sur la forme que l’écriture lui donne. C’est  donc une autographie spéculative, même si certains chapitres « oublient » en cours de route cette dimension réflexive, qu’il s’agisse de fragments d’une passion amoureuse ou de joies du dépaysement dans l’ « ailleurs », qui emportent l’écriture vers l’image.

 

 

N’y a-t-il pas ici aussi une interrogation plus large aussi sur l’image que produit l’instant à l’enseigne de ce que Roland Barthes avait pu avancer, mais pour la photographie, dans La Chambre claire ? N’y a-t-il pas notamment dans le rapport que vous évoquez en fin de volume avec la photographie un étroit rapport des instants que vous cristallisez au pathétique comme force émotive et à la mort comme sidération sans retour ? Diriez-vous enfin que l’image pour vous a une portée ontologique singulière entre toutes ?

 

La photographie me paraît être une invention très importante du 19e siècle parce qu’elle a touché à notre rapport au temps et, si l’on peut dire, l’a scandé d’une façon nouvelle (et d’ailleurs constamment évolutive). J’y ai consacré un essai (La brûlure de l’image, éditions Mimesis, 2019). La photographie est « sœur » de l’instant, parce qu’elle configure et fixe un moment de vie en excluant ce qui se passe à ses marges, mais aussi parce qu’une fois prise et contemplée  elle suscite des reconstitutions de l’instant qui changent de sens au fil du temps (nous retrouvons la « fructification imaginative » de Wordsworth) . Dans Sur l’instant, j’ai ainsi évoqué des photographies d’amis ou d’être chers, qui se sont avérées, du fait de leur disparition, être la « dernière » image que j’ai prise d’eux. Les regardant sous ce nouveau jour, elles ont souvent suscité une autre attention à ce qui s’y montrait et pris un autre sens. La verbalisation de l’instant n’est pas sans rapport avec ce nouveau temps qui se montre dans l’image. Plutôt qu’un « cela a été » barthésien, j’y vois une sorte d’éternel présent (et j’ai délibérément choisi de rapporter au présent tous les instants passés). Mais ce présent n’est pas celui du réel (d’ailleurs problématique) qui a été vécu, c’est celui de sa représentation qui est notre seul accès à lui, et on peut dire de lui qu’il est un perpétuel présent.

 

 

Ma dernière question voudrait enfin porter sur les rapports que vous tissez avec l’œuvre de Proust qu’il présentait lui-même comme une collection d’instants privilégiés. Vous comparez l’une de vos compagnes à une moderne Albertine mais quel rapport entretenez-vous avec Proust et notamment sa conception de l’image ? Diriez-vous qu’il a pu jouer un rôle dans votre conception de l’image ?

 

L’œuvre de Proust a évidemment été pour moi une lecture fondamentale, souvent explorée, reprise et enseignée aux étudiants. On y trouve un formidable répertoire de « formes de vie » sensible, amoureuse, sociale, qui peuvent servir de vade-mecum pour toute une existence. L’expérience de la « réminiscence » fournit un modèle d’épiphanie sensible et Proust en a merveilleusement déployé toutes les harmoniques dans son phrasé. Mais il y a chez lui aussi une tension entre continuité et discontinuité, instants privilégiés et récit de vie totalisant où le roman se referme sur son commencement. Je suis plus sensible aux lignes de fuites qui font craquer l’édifice qu’à l’architecture un peu artificielle de la « cathédrale ». Je me suis ainsi passionné pour la figure d’Albertine parce que c’est un personnage introuvable, une pure ligne de fuite qui finit par dérégler le roman proustien, surtout si l’on se penche sur les innombrables et incohérentes versions des brouillons où elle meurt, ressuscite, disparaît et réapparaît sans cesse. J’ ai vu dans l’échec à la saisir, la figure même de l’objet amoureux, tel que j’ai pu parfois le vivre. Mais Proust, n’a pas été pour moi le seul pourvoyeur de formes d’image. Je mentionnerais aussi Hofmannsthal, Henri Michaux, Michel Leiris, Louis-René des Forêts et bien d’autres…

 




Laurent Jenny, Sur l’instant, Verdier, avril 2024, 128 pages, 16,50 euros

Comments


Commenting has been turned off.
bottom of page