Julien Cendres est écrivain et éditeur. Juré de plusieurs prix littéraires, il préside aujourd’hui la Maison des écrivains et le la littérature.
Comment avez-vous découvert Marguerite Duras ? Un livre ? Un film ? Une pièce de théâtre ? Ses entretiens ? Quelle a été votre réaction après la "rencontre" avec cette écrivaine ?
J’ai aimé Marguerite avant d’admirer Duras. Le premier livre a été Le Ravissement de Lol V. Stein, le premier film a été Le Camion, la première pièce de théâtre a été Le Navire Night, et les premiers entretiens ont été… les nôtres, au début de l’été 1977 – j’avais seize ans. Je me suis attaché d’abord à la découverte d’une femme inimaginable puis à celle de son œuvre, également subjuguantes, sans m’en détacher jamais.
Pourriez-vous me citer : le livre, le personnage, la phrase de Duras qui vous ont le plus marqué ? Pourquoi ces choix ?
Le Ravissement de Lol V. Stein comme l’errance fondamentale des autres personnages principaux m’ont bientôt enseigné « la vanité de l’existence » et, à défaut d’autre possible, « la voie du gai désespoir » est celle que j’ai empruntée…
Qu’est-ce qui vous fascine le plus chez elle ? Sa langue hyperbolique, anaphorique, ses silences ? Ses sujets atemporels qui reflètent, comme la parole du mythe, la mémoire à la fois collective et individuelle du XXe siècle ?
Son pressentiment de l’universel et de l’éternel, sa foi en les mots au lieu même de la foi en Dieu, sa parole et ses silences tels un philtre tragique – cette sagesse folle…
La "modernité" de son écriture, celle qu’elle a nommée dans les années 1980 « écriture courante », impatiente de s’exprimer, au plus près de l’intention orale et de l’inspiration créatrice, a-t-elle inspirée votre œuvre ?
Classique aussi bien que moderne, tenue aussi bien que courante, l’écriture de sa vie inspire la mienne depuis près de cinquante ans.
Duras encore, ou on la confie à l’histoire littéraire ?
Après la mort de Marguerite, j’ai convaincu Yann Andréa d’écrire Cet amour-là et Maren Sell de l’éditer, suggéré ensuite à Jeanne Moreau d’interpréter « le grantécrivain » dans l’adaptation cinématographique proposée à Josée Dayan : Duras encore et Duras dans l’histoire littéraire, Duras toujours et partout…
(Questionnaire et propos recueillis par Simona Crippa)