Jacques Charmatz est un inventeur, une sorte de créateur. Un militant aussi. Sa réponse, belle, à notre questionnaire, parle aussi de - sa - vie. Si nous l'avons sollicité, c'est parce qu'il a inventé le Festival du premier roman de Chambéry, poussé alors par son désir passionné de transmettre la littérature exigeante, contemporaine aussi, à ses élèves de lycée technique. Par la correspondance avec l'auteur d'abord, puis la rencontre avec l'auteur, l'autrice. À l'époque, nous sommes dans les heureuses années 80, le directeur de la bibliothèque municipale, Jean-Paul Oddos, comprend vite tout l'intérêt pour la lecture publique de s'associer à cet enseignant. Ainsi se créent les comités de lecture d'un Festival qui perdure, né d'une idée simple et délicate de convaincre de jeunes lecteurs, et de moins jeunes, que lire est une joie toujours renouvelée et qu'il faut le faire savoir.
En guise d'image, un dessin de Jacques Charmatz, peintre ou "plasticien" (comme on voudra), pour l'occasion.
Votre questionnaire m’oblige à penser que ma vie a été « vouée à la transmission ». Pourquoi ? C’est dû à un manque. Manque de père, disparu à la libération de Lyon, lui juif d’origine russe, maîtrisant huit langues dont l’hébreu. Manque de justice puisque j’ai été, avec ma soeur et mon cousin, un enfant caché en Suisse. Changer le monde Marx et changer la vie de Rimbaud, ont été mes préceptes conducteurs
Mon « medium » s’est constitué autour de la lecture des lettres françaises dirigées par Louis Aragon, avec la revue de la Nouvelle critique, avec les embrayeurs de transmission que furent Claude Prévost et Jean-Claude Lebrun. Ma « méthode » a été la fringale d’autre chose, qui change la donne de l’enseignement des lettres dominé par le culte des chefs-d’oeuvre. D’où l’invention d’un festival du premier roman en 1987 à Chambéry et en Savoie, festival qui va fêter sa trente-huitième saison en mai 2025. Destin des petites ba… découvrir un auteur de roman à ses débuts, et non dans sa phase terminale, faire confiance à de jeunes lecteurs de lycée et d’université qui sont las de l’enseignement classique. Oui, la transmission est « une sorte de création collective » qui permet de sortir de l’entre-soi, de l’individualisme prétentieux des soi disant héritiers…
Malheureusement, la transmission n’est pas au coeur de la fonction des enseignants et ce manque a fait le lit de la poussée droitière et antisémite de la France.
Clin d’oeil intime, ma pratique de la danse classique aux petits rats de l’opéra de Lyon a permis à un de mes fils, Boris, de devenir le danseur chorégraphe qui dirige le Tanztheater de Pina Bausch à Wuppterlal.
La 15e édition du Festival "Littérature, enjeux contemporains" de la Maison des écrivains et de la littérature, qui, cette année, a pour thème "Transmettre", se tiendra les 10, 11 et 12 octobre au Théâtre du Vieux-Colombier (Paris) en partenariat avec Collateral.
Entrée libre