top of page
Photo du rédacteurSylvie Gouttebaron

Gérard Audinet : "Transmettre, c’est d’abord prendre soin"


Gérard Audinet (c) Véronique Audinet


Gérard Audinet est Directeur des Maisons de Victor Hugo (Paris et Guernesey) et ancien conservateur du Musée d'Art moderne de la Ville de Paris.

La Maison des écrivains et de la littérature travaille étroitement avec la Maison de Victor Hugo et les rencontres littéraires liées à des expositions pour lesquelles sont sollicités des auteurs et autrices sont toujours associées à des rencontres d'éducation artistique et culturelle. 



 

En quoi diriez-vous que votre vie (ou une partie d'icelle) est vouée à la transmission ?


La « transmission » est, pour moi, avant tout une affaire professionnelle. C’est l’une des trois missions qui définissent mon métier de conservateur : mettre à disposition du public les œuvres que je suis chargé de conserver et d’étudier. C’est donc une transmission avant tout matérielle – exposer des objets ou les diffuser sur une base de données accessible sur Internet, avec quelques éléments de médiation, comme on dit de nos jours, cartels, catalogues, notice d’œuvres… – et paradoxalement « à vide » ou « solitaire », pourrait-on dire. Il ne s’agit pas d’un dialogue de professeur à élèves. Elle s’adresse à un public abstrait, au citoyen un et universel !

 


Parlez-nous de votre "médium" ?


Paradoxalement, bien que depuis près de quatorze ans je sois chargé de transmettre la mémoire d’un des plus grands écrivains français, mon « médium » est muet. Il ne s’agit pas de la littérature mais des images et des objets qui l’ont accompagnée et qui ont accompagné la vie de cet écrivain. Ma tâche est donc, essentiellement, de faire parler ces documents muets.

 


Avez-vous une « méthode » ?


Non, je n’ai pas de méthode, ou alors celle-ci est complètement assimilée, intégrée à ma pratique professionnelle et devenue inconsciente. Malgré tout, comme la transmission est double, il y a deux approches. Pour les œuvres elles-même, il s’agit de monstration, d’exposition avec ce que cela implique de soucis esthétiques, du faire voir au faire ressentir : mettre en valeur les œuvres, organiser leur placement dans l’espace, leur mise en lumière, leurs enchainements dans les salles, travailler le visuel. Et puis, il y a la part discursive, tous les textes qui portent l’information et partagent le savoir, sur le papier ou sur Internet, depuis le cartel jusqu’au texte de salle, depuis le catalogue jusqu’au livre, etc. Chaque exercices a ses règles et ses libertés professionnelles, ses habitudes ou ses pas de côté.

 


La transmission est-elle, pour vous, une sorte de création collective ?


Dans un musée, on est rarement seul. C’est toujours un travail d’équipe. Et tout concourt à la transmission dans la mesure où celle-ci sera d’autant forte que la visite aura été agréable. Chacun, à son poste, y a son rôle à jouer.

 


Pourquoi transmettre ?


Par obligation professionnelle – suis-je bien forcé de dire ! Mais aussi par habitude, par entêtement, par une croyance – de moins en moins justifiée – en un avenir – de moins en moins certain. Combien de temps durera l’intérêt pour la chose transmise ? Combien de temps aura-t-elle encore du sens ? Pourquoi transmettre : peut-être pour éviter de se poser cette question.

 


Avez-vous le sentiment, ou l'impression, à chaque opportunité qui vous est donnée de transmettre, d'observer "l'objet" de la transmission comme une figure neuve, réinventée parce que partagée ?


Difficile à dire ! Car ainsi que je l’écrivais plus haut, je n’ai guère de retour sur ce que je transmets, même si j’ai eu bien sûr, des expérience où, lors d’une visite, une remarque donne un nouvelle éclairage à un objet.  Masi ce qui renouvelle le plus « l »'objet », c’est l’évolution de mon savoir, de mon approche des œuvres chaque fois que je dois en parler. L’objet se réinvente au gré d’un discours qui ne se tient pas pour acquis.

 


Que désirez-vous ajouter à ces précédentes questions ? 


J’ai reçu aujourd’hui un courriel de Pierre Michon qui se termine par ce vœux : « Veillez bien sur le vieux Père ». C’est la condition première. Transmettre c’est d’abord prendre soin. Pour professionnelle qu’elle soit, il n’y a pas de transmission sans affection. Sans affection pour la chose transmise et, peut-être sans une certaine affection pour le citoyen abstrait auquel elle est transmise.


La 15e édition du Festival "Littérature, enjeux contemporains" de la Maison des écrivains et de la littérature, qui, cette année, a pour thème "Transmettre", s'est tenue les 10, 11 et 12 octobre au Théâtre du Vieux-Colombier (Paris) en partenariat avec Collateral.


Soirée de clôture le 17 octobre 2024 au Cinéma L'Arlequin








bottom of page