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Etienne Kern : « Les perdants offrent un matériau romanesque privilégié parce qu’ils montrent l’image la plus juste de notre condition » (La Vie meilleure)


Etienne Kern (c) Gallimard


Remarquable de sensibilité et de justesse : difficile de dire autre chose après avoir refermé La Vie meilleure, le deuxième roman d’Etienne Kern paru en cette rentrée chez Gallimard. Après le succès des Envolés, couronné par le prix Goncourt du premier roman en 2022, Kern poursuit avec force et finesse une œuvre qui se place sous le signe des doubles vies. Une vie pas tout à fait majuscule : celle d’Emile Coué, homme de la fameuse méthode si souvent raillée. Une vie tout sauf minuscule : celle des proches de l’auteur à qui il rend hommage dans un deuxième roman dont les enjeux d’écriture forment la meilleure ouverture pour notre semaine sur les premiers et deuxièmes romans. Collateral ne pouvait manquer un grand entretien avec ce formidable romancier, déjà sur les listes du Goncourt et du Renaudot.


Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre très beau nouveau roman, La Vie meilleure qui vient de paraître aux éditions Gallimard. Comment vous est concrètement et précisément venu le désir d’écrire sur le destin de cet homme dont on a toutes et tous entendu au moins une fois le nom dans notre vie et dont on connaît pourtant très mal l’existence, Emile Coué, dit « Miracle Man » : « Emile Francisque Exupère Coué. Naissance à Troyes en 1857, mort à Nancy en 1926. Un inventeur, à sa manière. Le père de la pensée positive » ? Enfin, vous placez votre roman sous l’égide notamment d’une citation de Roland Barthes tirée de son cours sur La Préparation du roman : « Voilà une définition du roman : célébrer ceux qu’on aime » : s’agissait-il pour vous de poser immédiatement que votre récit se donne comme un hommage aimant à Coué ?

 

À l’origine, il n’y a qu’une vague et lointaine curiosité pour cette formule toute faite, « méthode Coué », dont j’ai longtemps ignoré qu’elle donnait à entendre le nom d’un homme : il a fallu que j’ouvre un dictionnaire pour l’apprendre. Plus tard, j’ai eu l’occasion de lire – sans y adhérer particulièrement – le livre qu’a publié Émile Coué en 1921, La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente (ouvrage souvent repris par les éditeurs d’aujourd’hui sous le titre : La méthode Coué). Le désir d’écrire sur lui m’est venu ensuite, lentement, à mesure que je m’attachais presque malgré moi à cette figure de philanthrope un peu louche, tombé dans un discrédit assez complet après sa mort – et au fond c’est cela qui m’a attiré vers lui : j’aime ce type de personnages incarnant plus ou moins ce « grotesque triste » qui était cher à Flaubert. Mais ce qui a fini par me convaincre qu’il y avait là la matière d’un roman, de lecture en lecture, ce sont les nombreux témoignages d’époque, dans lesquels se dessine l’image d’un homme malicieux mais aussi assez désarmant par sa candeur et, surtout, plus torturé qu’on ne pourrait le croire (on pouvait lire, raconte un contemporain, « comme une peine en son cœur »). Émile Coué m’est alors apparu comme un personnage aimable, au sens étymologique, et plus généralement digne, à défaut d’une adhésion entière, de cette tendresse qu’Olga Tokarczuk (Le tendre narrateur, trad. Maryla Maurent, éd. Noir sur blanc, 2020) place au cœur du processus romanesque. Mais, pour autant, et j’en viens à votre autre question, ce n’est pas du tout en pensant à Coué que j’ai placé en épigraphe cette merveilleuse citation de Barthes : s’il y a célébration aimante dans La vie meilleure, c’est celle d’Irène et André, ma marraine et mon parrain, dont l’histoire et la mort sont entrées en résonance, dans mon esprit, avec la vie d’Émile Coué.

 

 

Pour en venir au cœur de votre roman, La Vie meilleure s’attache à évoquer le parcours d’Emile Coué selon le schéma formel de la biographie – ou plutôt de la Vie telle que, notamment depuis Michon, elle reconfigure une large part de notre littérature contemporaine. Cependant, à la différence notable des autres romanciers des vies, vous vous concentrez sur des figures doublement singulières : des figures de l’entre deux. Emile Coué ne répond ainsi pas exactement au lyrisme frugal de la vie des hommes infâmes, celle des inconnus que pouvait évoquer Foucault ou de proches de figures majeures comme Joseph Roulin chez Michon avec Van Gogh. Comme dans Les Envolés qui mettait en lumière le destin tragique d’un inventeur malheureux, Franz Reichelt, La Vie meilleure s’attache à un homme de l’entre-deux, célèbre mais gentiment moqué : une manière d’amateur, qui approche la renommée, la touche mais n’y est pas vraiment. En quoi ces destins d’hommes qui, comme Emile Coué, ont « des choses à faire, des idées à noter dans un carnet » et un destin qu’ils sentent devoir les excéder, vous fournissent ainsi un matériau romanesque privilégié ? Diriez-vous qu’il s’agit de figures presque de l’effacement comme l’était le Ravel d’Echenoz dont on retrouve chez vous la profonde mélancolie ?

 

 

Effacement, oui, c’est tout à fait ça, et à tous les niveaux : effacement comme (quasi) disparition de la mémoire collective (Reichelt étant réduit à l’épure d’un corps filmé, sans que son nom passe à la postérité, et Émile Coué étant privé de son prénom dans une formule toute faite), effacement comme mise en retrait volontaire (Reichelt faisant venir des caméras pour s’anéantir sous leur regard, Émile Coué, du moins tel que je l’imagine dans ses dernières années, fatigué d’être lui-même et d’avoir un « rôle à jouer », ce en quoi, oui, il peut rappeler l’acédie mélancolique du Ravel d’Echenoz), mais aussi, pourrais-je dire, écriture de l’effacement, vu la place laissée, dans ma prose, à l’ellipse ou à la suggestion. Quant à la formule « entre-deux », elle rend bien compte, elle aussi, de ces deux héros ou anti-héros qui, dans la mesure où ils sont obsédés par une idée fixe, ont en commun d’osciller entre une forme de ridicule et la grandeur : ils se sont tous deux dévoués corps et âme à une cause qui les dépassait mais, des décennies plus tard, l’œuvre de leur vie – parachute qui ne fonctionne pas ou méthode thérapeutique à l’effet très incertain – est, comme vous dites, gentiment moquée. Ce sont deux perdants (à cet égard comme à d’autres, Les envolés et La vie meilleure forment un diptyque) et il me semble, en effet, que les perdants offrent un matériau romanesque privilégié, parce qu’ils montrent l’image la plus juste de notre condition.

 

 

 

Comme dans Les Envolés, cette forme de la Vie ouvre d’emblée votre narration à un certain nombre de questions formelles, de points de méthode. S’il y a des interrogations sur la méthode Coué, il y a immanquablement des taches aveugles sur la manière de mener le récit. Sans attendre, vous placez ce récit de vie sous le double signe du lacunaire et de l’enquête. Faussement accessible, la vie d’Emile Coué se donne comme une tache aveugle à sonder, à reconstituer : « Il n’existe aucune image de cet instant précis. Aucun film, aucune photo. » Diriez-vous à ce titre que la figure du biographe se double irréversiblement de celle de l’enquêteur ? Vous considérez-vous ainsi vous-même comme un romancier enquêteur lorsque, comme on vous voit dans La Vie meilleure, rassembler un certain nombre d’éléments avant de pouvoir écrire ?

 

« Aucun film, aucune photo », c’était d’abord une manière implicite pour moi de faire de La vie meilleure le double inversé des Envolés, roman qui est presque tout entier construit autour d’un film et d’une série de photographies. (Et c’est pour la même raison que, dans une sorte de facétie intertextuelle, j’ouvre l’histoire d’Émile Coué en l’imaginant « penché à [une] rambarde », motif récurrent s’il en est dans Les envolés.) Mais, oui, je conçois mal qu’un biographe et même un romancier ne soit pas aussi ou d’abord un enquêteur, la question étant de savoir si l’enquête demeure en quelque sorte invisible ou si elle est exhibée dans le récit. Comme lecteur, je lis avec plaisir et intérêt les romans ou récits dans lesquels, justement, l’enquête redouble voire constitue la trame de l’œuvre (comme, tout récemment, le si beau Archipels, dans lequel Hélène Gaudy se qualifie d’« archiviste du présent »). Cela dit, dans le cas de La vie meilleure, le récit de l’enquête demeure relativement discret. Je prends d’ailleurs conscience, en vous répondant, que je n’y relate mes recherches que dans la stricte mesure où elles vont de pair avec des rencontres : j’évoque ainsi le moment où l’arrière-petit-neveu d’Émile Coué m’a ouvert la maison familiale, ou encore les personnes que j’ai pu côtoyer lors d’un stage de formation à la méthode Coué, mais il n’était pas question, par exemple, de me représenter en train de découvrir le testament de Coué aux Archives départementales de Nancy. Les êtres passeront toujours avant les documents.

 

 

De manière presque mystique, avec une rare force, La Vie meilleure se donne comme un récit qui explore ce qu’on ne connaît pas encore de celui qu’on surnomme le « professeur d’optimisme » en voyant sa narration aimantée par un élément clef : la vibration, la vie qui remue quand on y croit plus, une manière de foi inextinguible dans le vivant. Diriez-vous ainsi que La Vie meilleure peut se lire comme une enquête qui cherche peut-être au-delà de la vie d’Emile Coué à sonder ce qui, dans l’existence, ce « quelque chose (qui) vibre là », ce « Quelque chose (qui) veille et (qui) ne s’éteint jamais » ? Ne dites-vous pas ainsi que vos « carnets vibrent, mes crayons vibrent » ?

 

Je crois qu’Émile Coué, en bon disciple qu’il était des magnétiseurs des XVIIIe et XIXe siècles, aurait été plus à même que moi de répondre à cette question ! Vous touchez à un point aveugle pour moi : j’ignorais que la vibration fût si présente dans mes textes. Good vibes ? Mais vous avez indéniablement raison, et une rapide recherche informatique vient d’ailleurs de me faire voir que le motif presque identique du tremblement apparaît de manière encore plus insistante dans La vie meilleure, sans parler de l’omniprésence de la locution adverbiale « un peu » qui, très souvent, accompagne les verbes de mouvement. Que vous répondre, sinon qu’il y a là un motif qui s’ancre probablement dans mon imaginaire, y compris dans ses possibles implications religieuses (je pense au passage du premier Livre des Rois qui dit que Dieu n’est pas dans le vent mais dans « le souffle léger ») ? Je comprends mieux, en tout cas, pourquoi m’ont tant touché les pages de La préparation du roman dans lesquelles Roland Barthes associe le haïku à « une vibration du monde (que nous pouvons appeler : le poétique) »…

 

 

Cependant, La Vie meilleure ne se réduit nullement à une biographie d’Emile Coué : le récit s’enroule comme en spirale sur une double vie, un double parcours, celui qui, pas à pas, vous fait cheminer aux côtés de ce chantre de l’optimiste. Vos récits apparaissent ainsi comme autant de vies parallèles où, ici, Coué devient une manière de double de vous-même, vous faisant ainsi remarquer qu’« il est comme nous ». Ou, surtout, en vous permettant de revenir sur des épisodes clefs de votre enfance, de votre propre rapport à la disparition et au deuil qui ne cessent d’ébranler Emile Coué tout au long de sa vie. Diriez-vous ainsi que vous avez abordé Emile Coué comme s’il était un double existentiel de vous-même, celui qui, comme vous, a compris que dans tous les souvenirs d’enfance, il neige ?

 

« Abordé comme un double existentiel », je ne crois pas, dans la mesure où je ne me suis pas consciemment projeté dans le personnage. Mais sans doute le texte, là encore, vous donne-t-il raison : l’épisode de l’enfant qui ne vient pas, la relative cyclothymie du personnage, la chance qu’il a de vivre un amour inconditionnel et durable, tout cela puise bien sa source quelque part. Ce qui est pleinement conscient et assumé, pour le coup, c’est l’inscription, au sein même du récit de vie, d’un discours endeuillé : de même que Les envolés laissaient une place à mon grand-père et à une amie décédée, La vie meilleure célèbre la mémoire d’Irène et d’André, doubles contemporains des malades auxquels Coué pouvait s’adresser. Peut-être bien que c’est ça, au fond, qu’il s’agit de faire « vibrer » ou trembler : si l’écriture a un sens, c’est parce qu’elle ouvre un espace, aussi précaire soit-il, à nos disparus.

 

 

 

Coué comme double existentiel mais Coué aussi comme doublure intime du geste d’écrire, comme doublure même de votre figure de romancier, comme figure redoublant les questions d’écriture qui traversent La Vie meilleure. Deux foyers d’interrogation embrasent le texte comme la vie d’Emile Coué : tout d’abord, le rapport que Coué et vous-même entretenez avec l’imagination : « J’invente, comme lui », dites-vous. Pouvez-vous ainsi revenir sur ce sens commun de l’invention ? En quoi l’imagination vient-elle ainsi travailler le récit lui-même alors que les récits de vie sont avant tout aimantés par le factuel ?

 

Oui, j’ai conçu le personnage comme un double de l’écrivain, ce en quoi il fait écho à la figure de Franz dans Les envolés. Franz, tailleur pour dames et donc expert en textile, plaçait tous ses espoirs dans une œuvre qui, finalement, ne changeait strictement rien à l’ordre du monde : un parachute inefficace, métaphore possible de l’objet textuel, dont l’existence a toutes les chances de rester lettre morte malgré les désirs ou les illusions (ramener les morts ou agir réellement sur la société) de la personne qui se lance en littérature. C’était au niveau de la fragilité de l’objet littéraire que se jouait l’analogie. Dans le cas de La vie meilleure, comme vous le dites, c’est une autre analogie qui se dessine : la méthode Coué est en effet fondée sur l’imagination. Concrètement, il convient selon Émile Coué d’imaginer qu’on va bien pour aller mieux, notre imagination pouvant « être conduite par l’autosuggestion consciente » : pour atteindre ou conserver une bonne santé, il faut passer par la fiction et l’illusion, auxquelles on finit par donner force de vérité. L’écriture et la lecture ne sont pas si éloignées que cela de ce mécanisme. Reste en effet que l’imagination n’a pas le même rôle dans une œuvre de pure fiction et dans une bio- ou une docufiction comme l’est La vie meilleure. « J’invente », oui, dans mon livre (et, du reste, le pacte de lecture est très clair : c’est un roman), tout en me pliant globalement au cadre strict d’une chronologie qui m’est imposée par les faits historiques. À part l’épisode de la guérison plus ou moins miraculeuse d’Annette, invention de ma part, c’est très majoritairement dans l’évocation de la vie intime (relations avec les parents) ou psychiques (phases de découragement) de Coué que l’imagination prend le pas sur la fidélité biographique. Mais je crois que l’imagination est un instrument heuristique permettant de s’approcher malgré tout d’une forme de vérité. Et puis, tout simplement, il y avait quelque chose de grisant à imaginer (en partie) la vie d’un homme qui avait mis l’imagination au cœur de sa vie comme de sa pensée.

 

 

Enfin, le second trait qui rapproche le romancier du guérisseur renvoie au rapport que l’un et l’autre entretiennent avec la parole. La méthode Coué est une méthode de suggestion verbale, une méthode qui pose l’exercice de la parole comme curative puisque, dites-vous, « Il veut semer des mots » persuadé des vertus de « Ce que la parole peut faire sur nous. » à l’instar de ce que vous dites vous-même : « La vie est plus douce quand on la vit avec des mots ». Vous le développez comme suit : « Ecrire, c’est cesser d’affronter. C’est l’aveuglement heureux. C’est une joie qu’on s’invente. / La vie meilleure. » En quoi ainsi l’écriture est-elle ainsi comme une manière d’écho au travail de Coué selon vous ? Diriez-vous que l’écriture romanesque possède cette vertu curative ? Vous faites allusion aux coaches de vie contemporains dont Coué serait le précurseur : s’agissait-il pour vous de parler également de ce besoin de parole de notre époque, de sa folie autour du développement personnel ?

 

 

Oui, outre la question de l’imagination, c’est bien celle du pouvoir des mots qui peut venir étayer l’analogie. Pour agir sur notre imagination, Coué prônait en effet la répétition de certaines formules-mantras (et notamment la suivante, à répéter vingt fois, matin et soir : « tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux »), de sorte que sa méthode repose en réalité sur le langage, langage auquel est prêté un véritable pouvoir agissant. On voit d’emblée le parallèle possible avec la littérature. Et, dans un cas comme dans l’autre, on est en droit de douter de ce pouvoir agissant, même s’il ne s’agit pas pour moi de le nier. Quand je dis qu’écrire, « c’est cesser d’affronter », je ne me place sur un plan politique (car il est évident, heureusement, qu’écrire peut être une manière d’affronter et donc d’agir !), mais sur le simple terrain psychologique ou émotionnel : écrire, c’est aussi chercher un refuge ou se bercer d’illusions (inconsciemment, dirait Freud, qui voyait dans l’art la quête d’une compensation : on crée pour obtenir ce qu’on n’a pas ou pour retrouver ce/ceux qu’on n’a plus). Et cette quête d’un refuge, il faut bien qu’elle soulage quelque chose en nous, du moins aussi longtemps que dure l’écriture, sans quoi nous serions moins nombreux à écrire, mais elle ne guérit pas – et, surtout, elle ne peut rien contre la mort. Vous m’interrogez pour finir sur les coachs de vie et la folie du développement personnel : « folie », oui, compte tenu du succès qu’ont de nos jours des discours ou des pratiques qui, sous couvert de bien-être, cherchent à rendre les individus encore plus solubles dans le système capitaliste (qu’on pense à ces livres qui nous enseignent à dormir moins ou à gagner en efficacité)… Émile Coué, qui était pharmacien de profession, envisageait surtout sa méthode comme une pratique de guérison. Mais son intuition première, celle qui veut que nous sommes capables de modifier jusqu’à un certain point quelque chose à notre vie, est omniprésente aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que les forces qui déterminent en profondeur notre existence, qu’elles soient physiologiques ou sociales, sont infiniment plus fortes que l’autosuggestion et le pouvoir de l’imagination…

 

 

 

Ma dernière question voudrait porter sur le caractère moraliste de votre écriture. Nombre d’épisodes de la vie de Coué sont traversés de réflexions morales qui dégagent comme des lois de l’existence. Parleriez-vous à ce titre d’un caractère classique de votre écriture ?

 

Je n’ai rien contre cette caractérisation : il est vrai que je suis attaché à des principes de sobriété, de clarté, de brièveté et de simplicité qui témoignent sans doute de mon goût pour les classiques. Quant à l’aspect moraliste, cela me convient aussi, à condition de voir dans le moraliste non un moralisateur dogmatique mais quelqu’un qui s’intéresse aux mœurs, c’est-à-dire à la manière dont les gens vivent. C’est justement, quand j’y pense, l’aspect moralisateur, le côté « donneur de leçons » qui m’a tenu à distance de Coué quand j’ai lu pour la première fois La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente. Le discours assertif et plus encore injonctif (dont l’importance dans le développement personnel n’est pas à démontrer) me met toujours mal à l’aise. Bref, et je reviendrai par là à votre question précédente, mon rapport au langage diffère de celui d’Émile Coué. Je l’écris d’ailleurs à un moment dans le livre : « Je me cache dans ma langue, ma langue tout ébréchée, celle du silence et du doute, celle qui vacille sous le poids des souvenirs. » Un vacillement, tiens : encore une vibration !

 




Etienne Kern, La vie meilleure, Gallimard, août 2024, 192 pages, 19,50 euros

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