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Arielle Castellan : « Parce que oui, avec Wittig, c’est un autre imaginaire qui se dégage, infiniment poétique, infiniment … féminin sans l’être »


Monique Wittig (c) Colette Geoffrey

Professeure de philosophie en classes préparatoires, et essayiste, Arielle Castellan livre ici, en prélude à son édito au dossier Wittig, pourquoi elle n’a pas peur de l’autrice de L’Opoponax. Elle répond aux questions de Simona Crippa.


Comment avez-vous découvert Monique Wittig ? Par la force de ses récits ou par la radicalité de sa pensée ?

 

Ni l’un, ni l’autre en premier. Je l’ai découverte en recherchant un petit peu à partir des écrits de Françoise Héritier et de Bourdieu. Et là, je me suis rendue compte d’une énorme injustice à son endroit. Pour la « découverte ». Pour la « rencontre » c’est par la force de ses récits, ou plutôt de quelques formules fabuleuses, je pense notamment à une sans doute anecdotique mais qui m’a profondément touchée dans Le corps lesbien : « le jour n’est pas plus pur que le fond de m/on cœur m/a très chérie. » La claque inattendue.

 

 

Mettre Les Guérillères au programme du bac afin que les "féminaires" révèlent « beaucoup de choses » que la « pensée straight » nous cache ? Afin de construire de nouvelles épopées et de nouveaux imaginaires ?

 

J’aime l’idée. « Elles disent qu’elles n’ont pas recueilli et développé les symboles qui dans les premiers temps leur ont été nécessaires pour rendre leur force évidente. Par exemple elles ne comparent pas les vulves au soleil à la lune aux étoiles. Elles ne disent pas que les vulves sont comme des soleils noirs au soleil éclatant. »  Il me semble que ce petit moment poétique mérite, indépendamment de tout le reste, d’être apprécié comme tel. Parce que oui, c’est un autre imaginaire qui se dégage, infiniment poétique, infiniment … féminin sans l’être. Une quête.

 

 

« Les lesbiennes ne sont pas des femmes » : une déflagration dans les milieux féministes dans les années 1970 : sommes-nous prêts aujourd’hui à écouter cette idée si émancipatrice ?

 

Pas sûre. Je vais nuancer. Je pense que oui, l’idée a fait son chemin en partie, notamment grâce aux personnes trans qui ont beaucoup bousculé également, mais de manière physique et non plus théorique, la question du genre. Le but était de sortir de la lutte des genres et de refuser les catégorisations qui stigmatisent notre société patriarcale. L’idée était bonne, vraiment. Nous avons encore du chemin je pense pour l’entendre. Même dans la communauté LGBTQ+

 


« [Le] langage que tu parles est fait de mots qui te tuent » : cette affirmation que l’on trouve toujours dans Les Guérillères nous invite-t-elle à faire de l’écriture une force militante ?

Oui. Ce n’est pas le militantisme qui fait l’écriture, mais c’est l’écriture qui nourrit et enrichit le militantisme. Écrire, par définition, est un engagement. Et donc militant. A plus ou moins grande échelle. Cela étant, si l’écriture est une force militante, il faut aussi qu’elle soit ce qu’elle est : une force. Tout court. C’est ce qui en fait une force militante.   


(Questionnaire et propos recueillis par Simona Crippa)

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